Parutions

 

Pierandrea Amato

LA RÉVOLTE

Traduit de l’italien par Luca Salza

La figure de la révolte suscite la méfiance. On lui préfère généralement celle de la révolution. Pour Pierandrea Amato, la révolte constitue au contraire le présupposé ultra-politique de toute politique véritable, parce qu’elle est inscrite dans l’existence de chacun : « la révolte, affirme-t-il en effet, est un événement qui manifeste une inclination fondamentale de l’existence humaine. »

La Révolte est une analyse philosophique des révoltes métropolitaines qui, avec la fin du monde bipolaire, ravagent sans trêve les alchimies du pouvoir global. Une analyse qui se développe en présentant une série de matériaux au travers desquels la révolte n’apparaît pas simplement comme un mouvement insurrectionnel hostile à tout pouvoir constitué et aux formes organisées de révolution politique. La thèse est ici plus radicale : la révolte est un événement qui manifeste une inclination fondamentale de l’existence humaine.

Dans la perspective entrouverte par le lien entre la politique et l’existence, et à l’ombre d’un démon classique de la philosophie (l’ambition d’intégrer la théorie et la praxis), La Révolte est né avec l’intention de démontrer que les mouvements urbains capables d’inquiéter le pouvoir global des dernières années (songeons aux révoltes de Los Angeles, Gênes, Athènes et en particulier à celles des banlieues parisiennes) ne sont pas, comme on le considère généralement, des formes violentes d’antipolitique, mais qu’elles constituent au contraire la sédimentation d’un événement politique capable de provoquer la rupture des formes qui nous gouvernent.

La problématique au fondement de cet essai est la suivante : « La révolte est une action politique qui dérange la mise en scène de la démocratie à laquelle nous assistons quotidiennement ». La révolte ôte son masque au Léviathan, pour porter à l’ontogenèse de l’homo seditiosus.

Par la révolte, la réalité de la démocratie est révélée. Le souverain se trouve contraint de s’affirmer comme la loi, en même temps que comme son exception. C’est l’ordre démocratique tout entier qui se configure ainsi, tel un exorcisme global, qui peut et doit utiliser toute la violence nécessaire (économique et symbolique, avant d’être militaire et policière) afin d’empêcher le fantôme de revenir. L’ordre simple de la violence est inversé.

La centralité bio-politique que Pierandrea Amato attribue à la révolte ne signifie pas que celle-ci s’oppose à la révolution. Elle la précède plutôt, et la dépasse. La révolte se place à un niveau différent de celui de la révolution, parce qu’elle manifeste une image de la temporalité différente. Alors que la logique de la révolution se développe avec une conception linéaire du temps, la révolte exprime une temporalité liée à l’événement, à l’irruption du temps dans le temps. Cela amène une relation différente avec le pouvoir : si la révolution pense que l’accès au pouvoir est le fondement de la transformation de la singularité, la révolte imagine au contraire que la mutation de la singularité dans l’acte révoltant est le principe de la transformation de ce qu’elle est.

Editeur : Éditions Lignes
Prix : 14,00 € (disponible)
Format : 11 x 18 cm
Nombre de pages : 96 pages
Date de parution : 17 février 2011
ISBN : 978-2-35526-064-3
EAN : 9782355260643

 

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Habitat social au Maghreb et au Sénégal – Gouvernance urbaine et participation en questions

Julien Le Tellier, Aziz El Maoula El Iraki, Collectif , 2009, L’Harmattan

A travers une approche comparative des politiques du logement et des dispositifs d’ingénierie sociale au Maghreb et en Afrique de l’Ouest (Algérie, Maroc, Sénégal et Tunisie), cette publication collective interroge de manière critique et distanciée les notions volontaristes et normatives de gouvernante urbaine et de participation appliquées au domaine de l’habitat.
Les politiques de lutte contre la pauvreté et de résorption de l’habitat insalubre, les configurations institutionnelles et organisationnelles auxquelles elles donnent lieu, ainsi que la participation de la société civile et les nouveaux instruments d’ingénierie sociale, facilitent-ils l’accès au logement des populations défavorisées ? De quelle manière et quelles sont les conséquences en termes de fabrication urbaine dans les territoires périphériques ? Si certains problèmes sont résolus, d’autres difficultés demeurent récurrentes et de nouvelles contraintes émergent.
Alors que les partenariats multi-acteurs et la participation sont censés garantir un processus plus inclusif, plus équitable et plus efficace que les interventions stato-centrées habituelles, ces initiatives se heurtent en pratique à de multiples défis d’ordre socio-économique, organisationnel et politique. A partir d’une lecture transversale des principaux éléments de réflexion rassemblés dans cet ouvrage, la conclusion générale tente de mettre en perspective les différents contextes nationaux et les expériences complexes étudiés en profondeur : les apports empiriques et analytiques de chaque article constituent le socle de ce chapitre conclusif.
Cet ouvrage collectif fait suite au séminaire  » Habitat social durable : regards croisés Maghreb – Sénégal  » qui a eu lieu à Rabat, en juin 2008, au siège de la Caisse de Dépôt et de Gestion. Le séminaire et la publication ont bénéficié du concours financier de l’Institut CDC pour la Recherche.

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By Michael Hardt and Antonio Negri
Harvard University Press, 434 pages, $35

When Empire appeared in 2000, it defined the political and economic challenges of the era of globalization and, thrillingly, found in them possibilities for new and more democratic forms of social organization. Now, with Commonwealth, Michael Hardt and Antonio Negri conclude the trilogy begun with Empire and continued in Multitude, proposing an ethics of freedom for living in our common world and articulating a possible constitution for our common wealth.

Drawing on scenarios from around the globe and elucidating the themes that unite them, Hardt and Negri focus on the logic of institutions and the models of governance adequate to our understanding of a global commonwealth. They argue for the idea of the “common” to replace the opposition of private and public and the politics predicated on that opposition. Ultimately, they articulate the theoretical bases for what they call “governing the revolution.”

Though this book functions as an extension and a completion of a sustained line of Hardt and Negri’s thought, it also stands alone and is entirely accessible to readers who are not familiar with the previous works. It is certain to appeal to, challenge, and enrich the thinking of anyone interested in questions of politics and globalization.

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Rioting in the UK and France

A comparative analysis

Edited by David Waddington (Sheffield Hallam University), Fabien Jobard (CESDIP-CNRS) and Mike King (Birmingham City University)

The broad aim of this book is to provide a general basis for comparatively analysing and understanding the French riots of October/November 2005 and the corresponding Bristish disorders which occurred in the spring/summer of 2001.

The first of the French riots broke out on 27 October in the north Parisian banlieue (suburb) of Clichy-sous-Bois when two teenage youths of Muslim heritage were electrocuted in a substation while fleeing from the police. The two youths had apparently become unwittingly involved, together with their friends, in a police investigation of a break-in. It is not clear whether they had actually been chased by police officers. Nevertheless, a rumor to this effect quickly circulated the locality, provoking violent confrontation between youths and police. Three more weeks of rioting then ensued in neighbouring Parisian suburbs and other major French cities with similar concentrations of ethnic minorities. The riots invariably involved thousands of youths from poorer areas who confronted the police, set fire to local buildings and ignited hundreds of motor vehicles. Further rioting – though not on the same scale as in 2005 – occurred subsequently in 2006 and 2007.

England and Wales have had their own counterparts to the French riots. In the early and mid 1980s, there were a number of clashes between police and African-Caribbean youths in inner-city areas. Further, in 2001 rioting broke out in the northern mill towns and cities of Bradford, Burnley, Leeds and Oldham. All of these later instances involved youths from Pakistani or Bangladeshi descent. In contrast to the riots that occurred in France though, a contributing factor to 2001 riots was the activities of white neo-Fascists.

Many official reports and academic studies followed each wave of disorder, each questioning the effectiveness of Britain’s ‘multicultural’ society, in addition to other possible factors such as the marginalisation and ‘criminalisation’ of minority ethnic youth, and their relations with the police. Such issues were again on the agenda after more rioting occurred in the Lozells area of Birmingham in 2005. Unlike the previous disorders, this entailed conflict between South Asian and African-Caribbean youths, following a rumor that a young African girl had been gang-raped by South Asians.

British attempts to analyse and remedy the underlying causes of the riots constitute a potentially valuable resource to French academics, practitioners and policy makers. In turn, the French experience provides a fertile basis for re-applying, testing and enhancing existing British theory and policy.

The book consists of a highly coherent, theoretically rich and thematically comprehensive collection of papers which provide an unparalleled description and comparative analysis of the French and British riots, along with social policy recommendations to help to address the underlying issues.

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Les discriminations et la pénurie de logements sociaux ou bon marché se cumulent pour exclure les migrants, et entraîne le développement de l’habitat précaire : hébergement, hôtels meublés et squats. Même si les conditions de vie dans ces derniers sont peu sécurisantes, le squat se révèle un lieu de luttes et de mobilisations collectives. Les migrants s’organisent et s’entraident. L’expulsion du squat des “1000 de Cachan”, l’incendie de l’hôtel Opéra à Paris ont marqué les consciences : la violence policière, la détresse des familles, les conditions de vie dans l’insalubrité, étaient révélées à l’opinion publique. Cet ouvrage retrace l’histoire du logement des immigrés en France, raconte également le quotidien des squats à travers le récit de leurs parcours individuels et leurs histoires de luttes collectives, les images apportent enfin un éclairage sur la vie dans les squats, les mouvements de sans-papiers et de mal logés en France. En utilisant analyse, récit de squatters et photographie, ce livre interroge la condition de migrant aujourd’hui.

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Alain Bertho, Nous-autres, nous-mêmes. Ethnographie politique du présent, Le Croquant, mars 2008

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Qu’est-ce que la mondialisation ? D’abord un changement radical d’époque, de repères culturels, de façon de penser la vie, le temps, l’espace, les autres. Changement fascinant : les barrières culturelles s’effondrent, les métissages se multiplient et s’accélèrent, les flux d’images, de sons et de discours ouvrent à la mise en partage des imaginaires de l’humanité toute entière, potentiellement unifiée dans la diversification infinie de ses mondes subjectifs. Ce changement, bien souvent, fait peur. Il va vite, trop vite peut-être pour des femmes et des hommes devenus soudainement comme étrangers à eux-mêmes. Il porte surtout en lui l’orage : le monde s’est aussi ouvert à la marchandisation du vivant, à la financiarisation de l’économie et de la ville, à l’usage généralisé de la guerre comme mode de gouvernement. La planète elle-même est en danger. Plus que jamais dans son histoire, l’humanité a aujourd’hui les moyens de s’enrichir de ses différences pour maîtriser collectivement son destin. Mais le repli frileux sur la haine de l’autre devient trop souvent le moyen choisi pour conjurer la peur de son propre devenir, l’angoisse devant l’incertitude de sa propre identité. Cette ethnographie politique du présent propose d’essayer de voir clair dans les bouleversements symboliques et culturels qui nous transforment, de lire notre présent avec le souci des possibles et non la nostalgie du passé. Car pour Alain Bertho, le pire danger qui nous menace réside en nous-mêmes, dans la peur de l’époque et la tentation d’une identité collective assiégée, d’une fragmentation sociale et politique régressive et agressive. Cette politique exclusive du « nous autres », du ressentiment, de la frontière, du barbelé, voire du massacre nous livre tous, sans défense, aux logiques financières prédatrices.

Editions du Croquant Broissieux – 73340 Bellecombe-en-Bauges www.editionsducroquant.org

 


 

Le terme d’« altermondialisme » – d’un usage très fréquent – recouvre des réalités très différentes d’un pays à un autre. Tandis que dans les pays européens, il est davantage lié à la lutte contre le néolibéralisme, dans certains pays du Sud de la Méditerranée, il reflète une forme de contestation des fondements du champ politique. Mais, dans tous les cas, on constate une prétention à l’universalité : ses protagonistes se proclament défenseurs des droits humains, de la paix dans le monde et de la justice globale. Certains points de divergences se retrouvent également de pays en pays. Le rapport entre le local et le global, le rôle de la religion, l’identité collective transnationale, les relations dichotomiques entre les militants du « Nord » et ceux du « Sud », la crise de la « gauche » constituent en effet des sujets de controverses à l’intérieur même de ces mouvements. Or, après avoir tenu une place importante dans la recherche, l’altermondialisme semble ne plus représenter un sujet crucial dans l’analyse sociologique, et lorsqu’il est traité, ce n’est que sous l’angle des pays du Nord, dits « développés ». Quels sont les logiques et les enjeux de cet « oubli » ? Que peuvent nous apprendre les mouvements sociaux des pays du Sud ?

Sommaire

 

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Pour les classes populaires, le quartier est devenu le terrain des nouvelles solidarités et identités. De nouveaux conflits y prennent forme. Le quartier est aussi l’espace de l’action publique et de ses institutions. qu’elles soient étatiques ou non : école, police, associations. politiques sociales. partis politiques, groupes religieux s’y activent. Et du coup. ici aussi, se localisent les formes variées de l’action collective, de la protestation à la négociation. De la révolte à la participation créatrice aux politiques sociales.
urbaines ou culturelles. Le positionnement même des catégories populaires au sein de la société en est bouleversé. Changement de sociabilité. changement du sens de la politique, changement dans les processus d’individuation. Denis Merklen. sociologue. nous propose de comprendre ce complexe de phénomènes qui a transmué les  » travailleurs  » en  » habitants  » ou en  » pauvres « .  » Son analyse rigoureuse de ce qui se passe effectivement dans les situations sociales de changement extrême nous invite à élargir la conception que l’on se fait communément de la politique  » nous dit Robert Castel dans sa préface.
Car ce qui se joue entre les mots qui n’ont rien d’interchangeable – individu, citoyen, pauvre. habitant. travailleur c’est en bonne partie l’avenir de nos démocraties.

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Judith Revel, Qui a peur de la banlieue ? Bayard, 13,90 €.

La banlieue fait peur. « Événements », « révolte », « émeutes », « insurrection » : notre incapacité à nommer ce qui s’est passé à l’automne 2005 montre notre malaise autant que la difficulté que nous éprouvons face à ce qui ne cesse d’interroger nos propres schémas d’interprétation. Car loin d’être seulement un territoire de dégradation et de violence, la banlieue crée : des subjectivités, des formes de vie, des connaissances, de la valeur économique, de la sociabilité, du langage… A y regarder de plus près, c’est même – en dépit des difficultés économiques et des injustices sociales, des discriminations quotidiennes et de l’abandon dont elle est victime – un formidable laboratoire d’action politique, de vie et de résistance, un lieu d’élaboration et d’expérimentation. Alors : de quoi avons-nous peur au juste ?

L’auteur : Judith Revel est philosophe, italianiste et traductrice, spécialiste de la pensée française contemporaine. Après de nombreuses années passées en Italie, elle est actuellementmaître de conférences à l’Université de Paris I. Elle a enseigné plusieurs années en banlieue parisienne, dans un lycée. Elle est notamment l’auteur de Michel Foucault. Expériences de la pensée (Bordas) et Dictionnaire Foucault (Ellipses).

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Voir le communiqué de l’ONU

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La figure ouvrière en Afrique du Sud

Judith Hayem

Pendant l’apartheid, les usines furent l’un des lieux où régnèrent, avec violence, la discrimination et la ségrégation raciales.
Après la disparition négociée de ce régime, en quels termes les ouvriers sud-africains, longtemps conçus comme l’avant-garde de la lutte de libération nationale, se prononcent-ils sur la situation politique à l’usine et dans le pays ? Pour le savoir, l’auteur a mené deux enquêtes d’usine à Durban en 1997 et Port Elizabeth en 1999. Elle montre ainsi comment certains chefs d’entreprises, ont, dès les années 1970-80, entrepris de contourner les préceptes de l’apartheid, tout en s’inscrivant dans un capitalisme de ségrégation.
Puis, en examinant ce que les ouvriers disent des relations de travail entre ouvriers et avec les patrons ; de la promotion et de la qualification ; des primes et des salaires ou encore de la discrimination positive et du rôle des ouvriers dans le pays et dans l’entreprise, elle identifie ce qui fonde leur engagement politique pour la reconstruction de la  » nouvelle  » Afrique du Sud. L’usine émerge comme l’un des lieux du sentiment national, dans la séquence 1994-1999.
Ce livre montre que la sortie de l’apartheid n’est pas un processus de  » transition économique « , ni un simple processus institutionnel, ni même un  » miracle « . Elle est le fruit d’une rupture politique profonde, portée non seulement par le nouveau gouvernement mais aussi, dans des modalités propres et originales, par les ouvriers. La figure ouvrière ainsi mise au jour souligne la singularité de ce qui se joue en Afrique du Sud et manifeste tout l’intérêt d’étudier les formes de pensée ouvrières contemporaines, pour autant que le chercheur parvienne à renouveler, en les dépassant, les anciens cadres intellectuels de référence sur ce thème.

Judith Hayem est anthropologue, Maître de conférences à l’Université de Lille I et membre du CLERSE-CNRS.
Spécialiste des questions ouvrières, elle a réalisé des enquêtes d’usine en Afrique du Sud mais aussi en Angleterre, aux Etats-Unis et en France. Depuis 2001, elle poursuit ses recherches en Afrique du Sud autour des mobilisations en faveur de l’accès aux soins du VIH/SIDA dans les mines.

APARTHEID ET CAPITALISME 

  • Le débat scientifique, Apartheid et capitalisme
  • L’Apartheid, une politique racialiste
  • Le capitalisme de ségrégation

OUVRIERS ET USINES EN AFRIQUE DU SUD, APPROCHES ET ANALYSES

  • De la question du travail migrant aux grèves de 1973
  • De l’usine au hors l’usine, mobilisations ouvrières et production ; mobilisations ouvrières et culture
  • L’institutionnalisation progressive de la question ouvrière

L’USINE, LIEU DE LA CHANCE : ENQUETE CHEZ STAR, 1997

  • Star, une usine sud-africaine progressiste ?
  • L’usine, lieu de la chance
  • L’usine comme lieu du sentiment national

L’USINE, LIEU DE LA CONCERTATION : ENQUETE CHEZ AUTOFIRST, 1999

  • Autofirst,  » quand la politique du pays se répand dans la compagnie « 
  • Communiquer à l’usine : la fin de l’Apartheid de la parole
  • L’usine, lieu de la concertation

Cultures et conflits

68. Circulation et archipels de l’exception

Ce numéro de Cultures & Conflits est le reflet des préoccupations de nombreux chercheurs concernant les implications de certaines pratiques sur les libertés contemporaines. Le fil d’Ariane que suivent les contributions concerne la circulation des personnes, leur droit, leur liberté et leur désir de mouvement à l’échelle internationale, ou la possibilité de pouvoir rester sur place. Ils analysent aussi la volonté de contrôle des gouvernements, y compris démocratiques, de filtrer et trier ceux qui sont désirables et ceux qui sont indésirables, et de recenser et de garder en mémoire ces mouvements. Ils s’interrogent enfin sur la mobilité et sa remise en cause par un appesantissement de la surveillance au nom de la prévention qui s’opérationnalise dans des contrôles a priori s’appuyant sur des logiques de suspicion portant sur des groupes particuliers. Ce contrôle de la circulation débouche souvent sur des pratiques illibérales, et il génère des archipels d’exception s’il n’est pas lui même soumis à des règles de contrôle démocratique.

This issue of Cultures & Conflits reflects the concerns of many researchers about the implications of certain practices on contemporary liberties. The Ariadne’s thread running through the contributions relates to the circulation of people, their right, their liberty and their desire to move internationally, or their possibility to remain. The contributions also analyze the governments’ (including democratic governments’) desire to control, to filter, to sort those who are desirable and those who are undesirable, and to take census and keep records of these movements. Further the contributions interrogate mobility and how mobility is questioned for the purpose of prevention through an increase in surveillance that takes place through a priori controls based upon logics of suspicion towards particular groups. This control of circulation often leads to illiberal practices and generates archipelagos of exception, if it is not subjected to rules of democratic control.

La violence des villes

Yves Pedrazzini

 

Il a vécu dans les bidonvilles d’Amérique latine, d’Afrique, d’Asie et même d’Amérique du Nord, puisqu’il a côtoyé les gangs de Philadelphie. Il vient de publier le livre La violence des villes (Écosociété) et il est avec nous au bout du fil, dans les studios de la Radio Suisse-Romande, à Lausanne…

En 1800, seulement 2% de la population mondiale était urbanisée. En 2015 – autant dire demain – plus de la moitié de l’humanité vivra en ville.

Cette croissance fulgurante amène son lot de problèmes, dont celui de la violence. Les habitants les plus pauvres qui se massent aux abords des métropoles comme Riò, Calcutta, Mexico ou Dakar vivent dans une violence souvent meurtrière.

Pour contrer la peur que cette violence suscite chez les plus riches, on crée de véritables forteresses sécurisées, tout en marginalisant à l’extrême ces populations.

Au lieu de regarder cette violence de l’extérieur, du haut de nos tours d’ivoire, et d’accuser les plus pauvres, le sociologue Yves Pedrazzini l’a observée de l’intérieur.

Yves Pedrazzini rentre tout juste de Colombie et du Venezuela. Caracas, au Venezuela, est un peu sa seconde patrie, puisqu’il y a rencontré son ex-femme avec qui il a eu deux enfants. Il l’a rencontrée dans une favella.

Son lien avec les bidonvilles de Caracas est très fort parce qu’il y retourne sans cesse depuis 18 ans. Il est le parrain de la fille d’un ami aujourd’hui décédé (un chef de gang).

L’objectif de son livre est de mieux comprendre le point de vue de ceux qu’il appelle les «habitants extrêmes», c’est à dire ceux qui vivent dans les bidonvilles

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La violence révolutionnaire

La violence est une forme de contestation d’un ordre politique, économique ou culturel réputé légitime. Ses manifestations, rarement isolées, demandent à être contextualisées historiquement et géographiquement, qu’elles puisent à une même source d’inspiration (anarcho-syndicalisme, marxisme, islamisme radical, etc.) ou qu’elles empruntent des modalités proches (assassinat politique, complot, terreur, etc.).

Fraction armée rouge, Action directe, Brigades rouges, Weather Underground Organization, Armée rouge japonaise : comment expliquer l’éclosion de groupes choisissant la voie armée au cours des années 1968 en Europe comme aux États-Unis et au Japon ? Quelles références et variables communes permettent alors cette diffusion ?

Quarante ans après Mai 68, cet ouvrage interroge la résurgence et l’itinéraire de la violence révolutionnaire d’extrême gauche.

Langue français
Éditeur Presses de Sciences Po
Chapitre 1 UN SUJET OCCULTÉ
Des traditions d’analyse éclatées
Le « terrorisme », objet-écran
Le silence autour des années 1968
Les « années 1968 », un cycle de protestation
Chapitre 2 UNE PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE ?
Le contexte international
Les révoltes étudiantes
Une révolte à dimension générationnelle
Le développement de l’extrême gauche
Le mouvement autonome
Chapitre 3 LES PROCESSUS DE RADICALISATION
Répression et contre-mouvements
Compétitions et influences réciproques
L’isolement social
Logiques de la clandestinité
Chapitre 4 STRATÉGIES VIOLENTES
La propagande par le fait
Résistance et guérilla urbaine
Porter l’attaque au cœur de l’État
Anti-impérialisme et transnationalisation de l’action
Chapitre 5 LA FIN D’UN CYCLE
Les politiques antiterroristes
L’adieu aux armes

Retour à l’ordre et nouveau contrôle social

sous la direction de Laurent MUCCHIELL I

Les années 1997-2002 furent celles du « tournant sécuritaire », marqué par la surenchère électorale sur le thème de l’insécurité. Mais, depuis 2002, la France est engagée dans une véritable « frénésie sécuritaire », qui n’a fait que s’aggraver depuis l’élection présidentielle de 2007.
Chasse aux étrangers sans papiers, internement prolongé d’adultes et d’enfants en zones de rétention, multiplication des infractions et des sanctions, remise en cause de la justice des mineurs, atteinte à certaines libertés au nom de la lutte antiterroriste, pression croissante du pouvoir politique sur les magistrats, explosion de la population carcérale, mais aussi abandon de la police de proximité, recours croissant au fichage, à la vidéosurveillance et à la biométrie, montée en puissance des technologies et des doctrines d’origine militaire.
Les auteurs de ce livre, spécialistes reconnus dans leurs domaines, décryptent les facettes de cette frénésie, ses origines idéologiques et sa mise en scène médiatique. À partir de leurs recherches, études et enquêtes, ils montrent qu’elle ne répond pas à la demande de sécurité des populations et alertent sur l’avènement possible d’une nouvelle « société sécuritaire ».

Sociologie des émeutes de Michel Kokoreff. Payot, 335 p.

Depuis l’automne 2005, la société française vit au rythme des émeutes. Dans certains espaces urbains, la situation peut à tout moment dégénérer, et le cycle de drames, de révoltes et de violences reprendre.
Que s’est-il donc réellement passé, lorsque des quartiers paupérisés, stigmatisés et racialisés se sont subitement embrasés, provoquant une prise de conscience collective devant le malaise des banlieues populaires « immigrées » et le durcissement des relations entre les jeunes et la police ?
Que nous disent ces émeutes et celles qui suivirent des profondes mutations sociales et politiques qui affectent l’ensemble de notre pays ?
S’appuyant sur les témoignages d’élus, de policiers, d’émeutiers et de travailleurs sociaux, ainsi que sur les résultats de plusieurs enquêtes de terrain, ce livre revient sur des événements qui ne furent pas les mêmes partout, qui avaient des précédents et qui eurent des suites, dont les manifestations anti-CPE. Ce faisant, il met en perspective les transformations de la France contemporaine, pointant au passage les mensonges d’État en matière de sécurité sur fond d’emballement médiatique.
Les émeutes n’étaient pas fatales. Si nous continuons de ne pas comprendre, d’oublier et de refouler ce qui s’est passé et dit, alors, les mêmes causes produisant les mêmes effets, d’autres embrasements auront lieu. En pire.

L’anthropologie face à ses objets. Nouveaux contextes ethnographiques; sous la direction de Olivier LESERVOISIER et Laurent VIDAL

L’histoire de l’anthropologie est scandée par des débats de nature épistémologique et méthodologique sur les conditions de déploiement de son regard : sont alors interrogés les pratiques du terrain, les dispositifs d’analyse, les procédures de restitution et les rapports aux instances politiques. Ce qui apparaît aux auteurs de cet ouvrage comme relevant d’un nécessaire souci réflexif dans la démarche de l’anthropologue doit de nos jours être réévalué à l’aune d’une série de transformations sur lesquelles l’anthropologie porte son attention : la multiplication de situations conflictuelles ; les expressions multiformes de la « transnationalisation » des religions, des codes culturels et des économies ; les références revisitées au passé… Face à ces nouveaux contextes, l’objectif de ce livre est précisément de s’interroger sur les conditions actuelles de l’exercice ethnologique et, au-delà, de contribuer à dresser un état des lieux de la discipline. Il vise ainsi à prolonger et enrichir la réflexion engagée dans des ouvrages parus récemment sur le sujet, en faisant porter la réflexion sur les changements en cours que connaît le métier d’ethnologue et en posant la réflexivité comme condition de la production de connaissances nouvelles, loin de toute idée d’enfermement introspectif. Sur des objets variés, dans des aires géographiques d’une grande diversité mais aussi au regard de références théoriques multiples, qui interdisent tout enfermement des analyses produites, les textes présentés dans cet ouvrage mettent en scène et en débat, la triple fi gure du savant, de l’expert et du militant. Ainsi, en réfléchissant sur leur rapport aux données collectées, à l’enquête et à l’enquêté, à la demande qui leur est formulée (des usages sociaux des savoirs à l’interdisciplinarité) — et en replaçant ces réflexions dans le temps du terrain (continu ou répété) et dans son espace (fragmenté et « multi-situé ») — les auteurs explorent de façon renouvelée ces figures archétypales de l’anthropologue.

Compte rendu du livre « Territory, authority, rights – From Medieval to Global Assemblages » de Saskia Sassen

Par Katja Hackenberg

Le livre «Territory, authority, rights – From Medieval to Global Assemblages» de Saskia Sassen traite la question : « où l’Etat-nation est-ce qu’il se termine et où la mondialisation commence ? ». Selon elle, c’est l’Etat-nation qui a permis l’émergence d’une ère mondialisée. En dépit du fait que la mondialisation implique de nombreux processus de dénationalisation, elle est formée et profondément ancrée dans les institutions de l’Etat-nation. En conséquence, Sassen met en exergue que le global se développe au sein du national et que ces deux forces s’enchevêtrent et mènent une relation d’interdépendance dans laquelle les capacités de l’Etat-nation sont transformées et réinterprétées pour devenir part d’une nouvelle logique d’organisation.

Pour élucider cette thèse, Saskia Sassen analyse la transformation et l’interdépendance des trois composantes intégrales de chaque société (le territoire, l’autorité et les droits) pendant trois ères historiques majeures : le médiéval, le national et le global. Elle délimite trois domaines analytiques qui servent à appréhender la nature et les qualités spécifiques du territoire, de l’autorité et des droits au cours de chaque époque :

Les capacités (« capabilities ») visant à définir tous les acquis permettant aux institutions de se développer et de se transformer.

Les points culminants (« tipping points »). Ce domaine distingue les événements historiques qui ont poussé la transformation de certaines institutions.

Les logiques d’organisation (« organising logics ») permettant de comprendre la structure de la transformation des institutions à travers l’espace et le temps.

Le livre comporte trois parties : la formation du national (« assembling the national »), la décomposition du national (« disassembling the national »), et la formation du global (« assembling the global »).

La première partie est consacrée à l’émergence du principe de la territorialité sur le continent européen pendant le Moyen-Age. Cette époque, se caractérisant par la formation d’Etats et par un conquête impérialistique, a developpé les premières opérations politiques et économiques à l’échelle globale. Trois axes d’analyse sont au centre de cette partie : l’acquisition du pouvoir de contrôle sur des territoires spécifiques, la formation d’une structure d’Etat capable de retirer un revenu (« bureaucracy ») et le principe d’une autorité légitime qui puise dans l’idée d’un ordre divin.

La seconde partie cerne l’émergence d’un précoce Etat moderne en Europe permettant de former la notion d’une autorité nationale liée à un territoire précis en dépit d’une expansion impériale amenant à la naissance d’une économie globale. La réaction des Etats, face à l’extension du capitalisme mondial, a générée des formes nationales de capitalisme dans lesquelles prévalent les mécanismes formalisant les activités inter-étatiques (Traités, concertations) sur des formes de rivalité s’imposant auxtravers des guerres et des batailles. Au cours du XVIIIème et du XIXème siècle, de nombreux processus de dénationalisation émergent à l’issue des tendances structurelles d’un capitalisme global. Ces processus démantèlent l’autorité de l’Etat-nation au profit d’une forme d’autorité transnationale.

La troisième partie analyse l’âge global se mettant en place à partir des années 80. Il se caractérise par la neutralisation d’un marché national, par une déstabilisation de la sphère publique qui laisse la place à des nouveaux acteurs provenant majoritairement de la sphère privée. Dû au déclin du contrôle de l’Etat-nation sur le système économique, ces acteurs assument une grande responsabilité sur les politiques publiques. L’âge global est marqué par une réarticulation du terme national, les interactions entre les citoyens et l’Etat se réduisent : les institutions de l’Etat-providence comme les écoles, les prisons ainsi que les systèmes de la sécurité sociale sont privatisés. En conséquence, la loyauté du citoyen envers l’Etat se diminue, elle est remplacée par la citoyenneté du consommateur dans laquelle les entreprises et les marques deviennent un pilier central pour l’identité du citoyen.

Saskia Sassen met en évidence que la période actuelle se caractérise par une grande incertitude. La dissolution des autorités et des droits en dessous de l’Etat-nation répond aux processus de dénationalisation des autorités et des droits en dessus de l’Etat-nation. Ce double mouvement crée plutôt des fluctuations que de la stabilité. Ipso facto, il n’y a pas de sécurité en ce qui concerne le résultat de ce développement : l’apogée du territoire, de l’autorité et des droits consiste dans le fait que les activistes politiques peuvent chercher des nouveaux espaces pour explorer les incertitudes de l’âge global. Selon Sassen, la décomposition apparente de la société contemporaine génère un type d’ordre transgressant les limites structurelles existantes de la société (« in-between order ») incluant les financiers globaux et les activistes politiques.