Emeutes en Afrique du Sud juillet 2009

Les townships explosent
Libération
24 juillet 2009
Afrique du Sud . Le gouvernement appelle au calme et à la patience.
Face à l’ampleur prise par les violences des manifestations dans les townships, le gouvernement sud-africain a haussé le ton hier. Depuis le week-end dernier, des protestations violentes de populations déshéritées ont éclaté dans plusieurs townships autour de Johannesburg et dans le nord-est du pays pour obtenir des logements décents et l’amélioration des services publics. Des dizaines de magasins ont été pillés, de bâtiments brûlés et des centaines de voitures endommagées. La situation était un peu plus calme hier.
«On n’autorisera personne à utiliser des moyens illégaux pour arriver à ses fins», a mis en garde le ministre du Gouvernement local, Sicelo Shiceka. Le gouvernement sud-africain «est légitime, il a été élu démocratiquement. Tout ce qui doit être fait le sera dans le cadre de la loi et de la Constitution».
Ces violences interviennent deux mois après l’entrée en fonction du président Jacob Zuma, élu en promettant de réduire la pauvreté. Plus d’un million de familles vivent dans des bidonvilles.

Afrique du Sud: les oubliés de l’après-apartheid crient leur colère
De Alexandra LESIEUR (AFP) –
24 juillet 2009
BALFOUR, Afrique du Sud — « On est en colère parce que la municipalité ne tient pas ses promesses. On veut des maisons, un hôpital, des emplois décents », s’emporte Mandla Sibanyomi, 43 ans, qui a manifesté ces derniers jours dans son township en Afrique du Sud et se dit prêt à continuer.
Cet employé d’une centrale électrique habite la ville de Balfour, située à 80 kilomètres au sud-est de Johannesburg et théâtre d’émeutes de dimanche à mercredi.
En cause, des services publics moribonds: de nombreuses maisons du township de Mandla n’ont pas d’électricité, d’autres pas d’accès à l’eau potable et pas de toilettes ou des sanitaires en très mauvais état, alors que l’Afrique du Sud est la première puissance économique du continent.
Plusieurs townships du pays ont organisé des manifestations ces derniers jours. La situation était cependant redevenue calme jeudi.
Les manifestants entendent faire pression sur le parti au pouvoir depuis quinze ans, le Congrès national africain (ANC), pour qu’il tienne ses promesses de lutte contre la pauvreté faites depuis la fin du régime ségrégationniste en 1994 et réitérées lors des élections législatives d’avril.
Plus d’un million de familles vivent toujours dans des bidonvilles, contre 4 millions pendant l’apartheid, et 43% des Sud-Africains se débrouillent avec moins de 2 dollars par jour.
La municipalité de Balfour, aux mains de l’ANC, « a promis des logements depuis 1994, mais elle en a construit seulement pour les amis et la famille » des élus, affirme un habitant, Bednock Mahinini, un bonnet sur la tête pour se prémunir du froid hivernal.
Pas convaincu par le discours du maire Lefty Tsotetsi, qui a tenté dans la journée de mercredi de calmer les esprits, il s’est « battu » quelques heures plus tard contre la police qui a tiré des balles en caoutchouc pour disperser la foule.
Les échauffourées entre manifestants et policiers ont fait une dizaine de blessés selon la police, 50 selon les manifestants. Une centaine de personnes ont été arrêtées depuis dimanche selon la police.
Des magasins appartenant à des étrangers ont également été pillés. Ces scènes ne sont pas sans rappeler les attaques xénophobes de mai 2008 en Afrique du Sud. Accusés de voler les emplois et de contribuer à la forte criminalité, une soixantaine d’immigrés avaient été tués.
« Ma voiture et mon magasin ont été brûlés. On m’a jeté des pierres », raconte Serabzu Byne Dade, un Ethiopien de 23 ans.
Mais pour certains habitants du quartier, ces attaques n’ont rien de xénophobes. « C’est juste de la criminalité. Des délinquants se sont mélangés aux manifestants », affirme une mère de famille sud-africaine, Patter Mothibe.
Faux, rétorquent des immigrés qui ont trouvé refuge devant le commissariat de police. « Les gens ne veulent pas de nous ici », lance Tekleab Araya. Pour cet Ethiopien, les troubles peuvent reprendre à tout moment malgré des appels au calme.
Dans le township où des maisons en brique côtoient des baraques en tôle, une cinquantaine de personnes demandent pacifiquement aux habitants de nettoyer les rues jonchées de pierres, pylônes et débris de verre.
« Nous voulons que les choses se calment », assure Zakhele Maya, qui se présente comme un membre du « comité d’organisation » des manifestations. « Nous pourrons commencer le dialogue avec la municipalité s’ils relâchent les manifestants » arrêtés, précise-t-il.
Mais « s’ils ne sont pas libérés, la communauté va prendre des mesures drastiques, et ceux qui ne s’étaient pas mobilisés jusque-là vont se joindre au mouvement. »

South Africa vows to stop riots
BBC
23 july 2009
South Africa’s government has vowed to crack down on riots in townships where residents are demanding better basic services, such as water and housing.
« We are not going to allow anybody to use illegal means to achieve their objective, » a local government minister said on South African radio.
The warning came as the leader of unemployed protesters in Durban said the anger « was the tip of the iceberg. »
The riots are being seen as a major challenge for new President Jacob Zuma.
He promised to improve services when he came to power in May, and said fighting poverty was his priority.
« We are saying this is a government that is legitimate, has been elected democratically, » Co-operative Governance Minister Sicelo Shiceka said on Talk Radio 702.
« Anything that is to be done, must be done within the law and the constitution, » he said.
The ruling African National Congress said it had « a deep understanding of the seriousness and impact that lack of service delivery has in the lives of the people, » spokeswoman Jessie Duarte said in a statement.
« The ANC, however, strongly condemns all criminal acts in the form of violence against foreign nationals, destruction of state and private property, and looting of shops in some parts of the country under the guise of ‘service delivery protests’, » she said.
On Wednesday, police fired rubber bullets at demonstrators in Johannesburg, the Western Cape and the north-eastern region of Mpumalanga.
In Durban, 94 members of the South African Unemployed People’s Movement (SAUPM) were arrested after raiding two supermarkets in the city centre and helping themselves to food without paying.
« They were angry and some of them even ate the fried chicken and pies, » a woman at one supermarket told South Africa’s Witness newspaper.
Another eyewitness told the paper that the looters were shouting that they did not have food to eat.
« This is just the tip of the iceberg and I myself cannot stop the people because they are angry, » SAUPM’s chairwoman Nozipho Mteshane told South Africa’s Star newspaper.
There is anger in some of South Africa’s poorest areas
« We want the government to provide the unemployed people of this country with a 1,500 rand ($195) basic income grant, » she said.
South Africa announced in June that it was facing its worst recession in 17 years.
Fifteen years after the ANC won its first election, more than one million South Africans still live in shacks, many without access to electricity or running water.
The provision of housing has long been controversial – nearly three million have been built, but the allocation has been prone to nepotism and corruption, correspondents say.
The rising tensions in the townships have revived memories of xenophobic attacks on foreigners last year in which more than 60 people died.
Colère dans les townships
Jeune Afrique
Depuis plusieurs jours, des émeutes populaires ont dégénéré dans les quartiers pauvres de Johannesburg. Les habitants réclament des logements décents, de l’eau, un meilleur accès aux soins de santé et à l’éducation, du travail, des conditions de vie plus saines, bref, du concret.
Cette semaine, la police, dépêchée dans le township de Thokoza près de la capitale économique sud-africaine, a répliqué face aux émeutiers en tirant des balles en caoutchouc et en lançant des bombes lacrymogènes. Les manifestants caillassaient les voitures des fonctionnaires de police. Plusieurs dizaines d’entre eux ont été arrêtés.
Dans la province de Mpumalanga, à la frontière du Mozambique, les échauffourées ont pris une tournure xénophobe. Les boutiques tenues par des immigrés – accusés de « voler le travail » des Sud-africains – ont été pillées et incendiées, provoquant la fuite des étrangers. Les violences xénophobes en mai 2008, dans un contexte semblable, avaient fait des milliers de déplacés, parmi les immigrés Zimbabwéens et Somaliens notamment.
Récession
Pourtant, rien d’extraordinaire dans ces manifestations, qui sont monnaie courante dans les townships, et depuis des années. En effet, la colère des résidents se fait régulièrement entendre, par à-coups ponctuels, dans des manifestations baptisées mouvements « pop-corn » : un mécontentement qui couve, avant d’éclater brusquement en émeutes parfois violentes.
Ces mobilisations visent les élus locaux. Les habitants des townships ne critiquent pas ouvertement le président Zuma, ou son gouvernement, comme ils ne lançaient pas non plus d’invective contre Thabo Mbeki lorsqu’il était au pouvoir. Ils demandent simplement aux responsables locaux de leur octroyer les services de base, électricité, eau, routes, écoles…
Les municipalités et les gouvernements régionaux sont, plus que le gouvernement central, minés par la corruption, la gabegie et le népotisme.
Cependant, à la différence que les émeutes d’hier se découlaient dans un contexte de croissance économique, celles d’aujourd’hui arrivent en plein marasme. Le pays, en croissance depuis 15 ans, est entré en récession.
Corruption et inefficacité
Devant l’inefficacité, voire l’impuissance des pouvoirs publics à trouver des solutions durables, le problème est renvoyé vers des sphères plus élevées du pouvoir.
Jacob Zuma, après 100 jours seulement à la tête de l’Etat, n’a pas encore pu mesurer l’ampleur de la tâche. Lui qui s’est présenté comme le candidat des pauvres, et qui a fait lors de sa campagne, de la lutte contre la pauvreté sa priorité, va devoir apporter rapidement des réponses : plus d’un million de familles vivent toujours dans des quartiers précaires et près de la moitié de la population vit avec moins de deux dollars par jour.
« Nous avons un fort taux de chômage, le monde entier souffre de la crise économique et cela ne rend pas les choses plus faciles », a estimé Adrian Hadland directeur du Conseil de recherche en sciences humaines, interrogé par l’AFP. « La frustration vient en partie des gouvernements locaux qui travaillent de manière très inégale », a-t-il souligné.
L’ANC, au pouvoir depuis la fin de l’Apartheid, vient de commander un audit sur les performances des services municipaux afin de faire pression sur les municipalités, minées par la corruption, pour améliorer l’accès aux services publics.
South Africa: Protests Turn Violent
The South African police fired tear gas and rubber bullets at protesters demanding improved services and more jobs on Wednesday in a township near Balfour, in one of the biggest challenges to President Jacob Zuma since he took office. The marchers, numbering in the thousands, said they would escalate the demonstrations if local officials from the governing African National Congress failed to deliver swiftly on promises to provide jobs, housing and medical care. Some protesters burned tires and hurled stones at police officers in armored vehicles, who responded with tear gas. The unrest in Siyathemba township may undermine South Africa’s hope of showing a positive image with less than a year to go before the soccer World Cup. Separately, protests turned violent for a second day in Johannesburg’s Thokoza township, where residents are demanding better housing and services.









