Emeutes au Cameroun juillet 2008

Emeutes: Akonolinga, comme dans un champ de ruines

Click to jump to 'Le Messager'AKONOLINGA – 22 JUILLET 2008
© Laure NGATSING TCHUENTE, Le Messager

Le soulèvement de la population dans la nuit du mercredi 16 juillet dans le chef lieu du département du Nyong et Mfoumou, et qui a occasionné la mort d’un homme et la destruction de nombreux biens, a fait régresser cette localité de plusieurs années en arrière.

Les originaires de l’Ouest hantés par la peur


La consternation a atteint son comble cet après midi du jeudi 17 juillet au domicile de Louis Bruno Tientcheu Bonda. Ce dernier a été assassiné par des individus non encore identifiés, dans la nuit de mercredi (la veille), à son domicile au quartier Ewondo à Akonolinga. Des amis et frères sont venus assister ses enfants et son frère cadet, Alain Jacques Tientcheu avec qui il vivait. L’on attend le quitus des autorités administratives pour prendre la route de Kekem, où auront lieu les obsèques. Ses enfants, mineurs pour la plupart, ne semblent pas avoir déjà compris que celui-ci les a quittés, pour l’au-delà. Ils auront pourtant beaucoup de difficultés à continuer leur vie à Akonolinga. Comme pour plusieurs personnes originaires de l’Ouest vivant dans cette ville, les biens de leur père ont été pillés. La maison d’habitation, quant à elle, a un visage triste suite à l’assassinat de leur père : rideaux transformés en haillons, murs maculés de sang…


Pour le réconfort des enfants Tientcheu, des originaires de l’Ouest basés à Akonolinga se sont rendus à leur domicile. Mais il est difficile, pour un étranger de faire la différence entre les visiteurs et les membres de la famille. Tout le monde est triste. Certains sont en larmes. Raisons : « Nous sommes dépassés. On ne sait pas s’il faut continuer à vivre ici ou non. Ce qui est arrivé à Louis Bonda est impensable et injustifiable. On ne comprend pas que des gens avec qui on vivait en famille puissent se retourner contre nous de cette façon », se lamente Pierre T., un originaire de la province de l’Ouest résidant à Akonolinga. La tristesse des autres provient du fait qu’il ne savent plus à quel saint se vouer. Sur la route qui longe le lieu dit Petit marché, tous les bars et autres boutiques des commerçants, tous originaires de la province de l’Ouest, ont été détruits, les marchandises emportées par les manifestants.

Le cas le plus pathétique est celui de Pascal Djetsop, photographe et père de six enfants. « Il a eu la vie sauve juste parce qu’il était absent. Mis au courant de ce qui allait arriver et des accusations contre lui, il a quitté la ville, sa famille avec. C’est lui que les assaillants cherchaient », raconte l’un de ses voisins. Selon ce témoignage et celui de certains autochtones, « c’est lui qui a été le principal instigateur des menaces contre les joueurs, supporters et dirigeants de Foudre d’Akonolinga lors de la rencontre du match retour des demi finales de la Coupe du Cameroun au stade du Cenajes à Dschang ». Son retour était donc vivement attendu par les supporters de Foudre. A son retour, il va flairer le parfum du traitement qui l’attend et prendre la poudre d’escampette. Sa maison a été mise à feu. Son studio photo détruit. Pour revenir vivre à Akonolinga, s’il le souhaite encore, il lui faudra tout recommencer. Le calme a été restauré dans la ville.


Une vingtaine de manifestants traduits en justice

La plus grande consolation pour les personnes victimes des émeutes à Akonolinga serait que ceux qui ont contribué à leur malheur répondent de leurs actes. C’est la raison pour laquelle, malgré leur intervention tardive, les forces de sécurité ont engagé, au lendemain des émeutes, une série d’interpellations dans et à l’entrée de la ville d’Akonolinga. Des équipes de renforts sont venues à cet effet des grandes métropoles camerounaises. Dans la matinée de jeudi, la sortie des véhicules d’Akonolinga était pratiquement interdite. D’où le très grand nombre de passagers au niveau de la gare routière de l’Est au quartier Mimboman à Yaoundé. Les forces de l’ordre voulaient avoir une certaine lisibilité de la situation avant de laisser sortir qui que ce soit de la ville. La situation s’est décantée dans l’après midi. Les forces de l’ordre ont poursuivi leur mission dans la ville proprement dite.

Pendant tout le reste de la semaine, les éléments des forces de l’ordre ont sillonné les rues de la ville d’Akonolinga. « Quand un suspect nous était signalé, on allait voir chez lui. Ce dernier était interpellé, au cas où l’on trouvait des éléments douteux à son domicile. Notamment, certains appareils et autres outils sans factures qu’il aurait pris dans une boutique pillée », explique un élément des forces de l’ordre. Des policiers et gendarmes ont été placés à l’entrée de la ville pour assurer le contrôle des identités de personnes qui entraient ou sortaient de cette ville. Les populations ont pris la peine de livrer les identités des personnes qu’elles soupçonnaient avoir pris part aux destructions. A la fin des investigations, une vingtaine de personnes ont été interpellées. Selon une source proche des éléments de maintien de la paix déployés sur le terrain pour calmer la situation : « Les personnes interpellées seront déférées au parquet d’Akonolinga ce jour [lundi 21 juillet 2008, ndlr] », confie t-elle. Les équipes de renfort ont regagné leurs bases, pour la plupart, en fin de week-end.


Robert Nkili prône l’apaisement


Le ministre du Travail et de la sécurité sociale, Robert Nkili, fait partie, hormis les autorités administratives de la ville d’Akonolinga, des natifs du Nyong et Mfoumou ayant pensé à apporter leur soutien moral aux populations de cette localité après l’évènement triste de mercredi dernier. Il a tenu une réunion de crise avec les autorités administratives d’Akonolinga le week-end. Il a aussi rencontré les populations. Il a enfin visité les commerces détruits, nous confirme une source résidant à Akonolinga. Selon cette même source, une Commission départementale aurait été mise sur pied pour évaluer les dégâts et déterminer la formule à utiliser pour apporter du soutien aux victimes des émeutes. Dans la ville d’Akonolinga ce lundi 21 juillet 2008, la vie reprenait peu à peu son cours normal.

Michel P. est un jeune de 29 ans. A sa naissance il n’a pas été reconnu par son père, originaire du département du Ndé. Sa défunte mère était originaire d’Akonolinga. « Ce sont des jeunes avec qui j’ai l’habitude de discuter qui se sont dressés contre moi depuis que cette affaire a débuté. Pour eux, je suis un bamiléké qui profite juste de leur hospitalité. J’ai même été menacé de mort par certains d’entre eux. Je ne sais pas ce qui ce serait passé si je ne partais pas me réfugier à Yaoundé », confie-t-il. Heureusement pour lui, sa chambre n’a pas été attaquée. Mais il ne sait pas comment vont se passer dorénavant ses jours avec ses amis d’hier.

Le calme revient à Akonolinga (Cameroun) après les émeutes

APA-Akonolinga (Cameroun) Un calme précaire régnait dimanche matin dans la ville camerounaise d’Akonolinga (Centre du pays), après des émeutes ayant fait un mort et plusieurs dégâts matériels, a constaté APA.

Depuis trois jours, des renforts de la police et de la gendarmerie venus de la capitale Yaoundé patrouillent, armes au poing, les moindres recoins de cette cité pourtant réputée pour son soutien au régime en place.

De sources concordantes font état de l’interpellation d’une trentaine de suspects.

Des troubles s’étaient en effet signalées depuis mercredi dernier dans cette localité sise à quelque 200 kilomètres de Yaoundé, de populations mécontentes de la descente de la Foudre locale en D2, mais aussi de la sortie, le dimanche d’avant, du même club en demi-finale de la Coupe du Cameroun de football par Aigle de Dschang (3-1 et 0-2).

Dans leur furie, les manifestants avaient pillé et incendiés plusieurs commerces et maisons appartenant à des allogènes, avant d’assassiner Louis Bouopda, 40 ans qui tenait une échoppe dans la ville depuis de longues années.

Samedi, plusieurs élites de la localité ont tenu un meeting au centre de la ville pour appeler les populations à l’apaisement et à la cohabitation pacifique.

FCEB/mn/APA 20-07-2008

Violences à Akonolinga


YAOUNDE – 18 JUILLET 2008


Akonolinga s’est embrasée mercredi dernier avec, comme au plus fort des années de braise, une chasse lancée contre les « allogènes », particulièrement les populations originaires du département de la Menoua dans la province de l’Ouest.

Un mort a déjà été enregistré. Pour ramener le calme dans le chef-lieu du département du Nyong et Mfoumou, des hordes de policiers et gendarmes, appartenant à des unités spécialisées, venus de Yaoundé et Douala ont du être mises à contribution.

A l’origine de cette montée de xénophobie, une confrontation entre deux clubs de football. La Foudre sportive d’Akonolinga n’aurait pas bénéficié de la  » légendaire hospitalité africaine  » lors du match retour de demi-finale de Coupe du Cameroun l’opposant à l’Aigle royal de Dschang, le club phare de la Menoua, dont les dirigeants n’avaient pas fait mystère de leur volonté d’accéder par « tous les moyens » à leur première finale de la Coupe du Cameroun. Un match disputé pratiquement à huis-clos puisque les quelques journalistes qui se sont risqués à immortaliser des moments de la partie, ont été rudoyés.

A Akonolinga, les représailles ont donc commencé dès lors que le mince espoir de maintien en Mtn Elite One qui existait pour la Foudre s’est évanoui avec l’homologation par le comité exécutif de la Fédération camerounaise de football des résultats de la saison 2007-2008 de football dans la nuit de mercredi. Une situation qui aurait pourtant pu être prévenue par les autorités administratives et de maintien de l’ordre, étant donné la tension qui avait déjà entouré à Akonolinga les deux confrontations en l’espace d’une semaine entre les deux clubs tant en championnat qu’en coupe.

Mais les débordements de ces derniers jours à Akonolinga sont à chercher dans un mécontentement et de nombreuses frustrations ravalées, corollaires de conditions de vie difficiles dont les frustrations rejaillissent à la moindre occasion et épousent les contours les plus divers. Les autorités en charge de la gestion de la chose publique devraient bien se garder de regarder ces évènements là comme des épiphénomènes car ils cachent des réalités bien plus perverses, comme on a déjà pu le constater avec les émeutes de février. A moins que la colère d’Akonolinga n’ait été  » préparée  » en haut lieu.


Quoiqu’il en soit, le moyen le plus sûr de prévenir reste de garantir les conditions minimales de bien-être à la population. Nous ne semblons pas en emprunter la voie. Et le ras-le-bol récurent qui déborde dès la première situation de tension peut ne plus être endigué à un moment. Surtout que les lézardes observées au sein du système sécuritaire sur lequel s’adosse le système depuis l’indépendance, ne garantissent même pas la réactivité optimale de la machine répressive. Désormais les unités spéciales de l’armée sont au premier plan de banales missions de maintien de l’ordre.


L’alerte sonnée il y a une semaine par l’une des personnes supposées garantir la sécurité des biens et des personnes n’est pas pour rassurer. Etait-ce un aveu d’impuissance ? Toujours est-il que le secrétaire d’Etat à la Défense spécialement chargé de la gendarmerie, Jean-Baptiste Bokam, n’a pas plombé son propos de circonlocutions vendredi dernier à Yaoundé pour étaler les défaillances qui sont celles des hommes sous son autorité et pour lesquels la probité est loin d’être la valeur la mieux partagée malgré les moyens débloqués pour assurer la quiétude. Ce qui contribue à envenimer les choses, bandits et policiers étant désormais copains-coquins, s’entendant quelquefois comme larrons en foire de l’aveu même du patron de la gendarmerie.

Mort, casse et pillage suite à la défaite de Foudre d’Akonolinga

En représailles aux exactions dirigées contre les dirigeants de leur club fanion, des fans s’en prennent aux intérêts des ressortissants de l’Ouest. Consternation, recueillement et lamentations hier au domicile des Tieuntcheu au marché d’Akonolinga. La tête de proue de la famille a été abattue mercredi soir d’un coup de machette à lui assené par des assaillants.

 » Il est 20heures lorsque quatre jeunes gens font irruption dans la boutique de mon grand frère Louis Bruno Tieuntcheu que je gère, raconte Alain Tieutcheu le cadet, en présence des autorités administratives et militaires du département. Armés de machettes, de gourdins et de haches, poursuit-il, ils m’ont demandé de quitter la boutique. C’est alors que j’ai fait appel à mon grand frère. A peine a-t-il pointé le bout du nez qu’un coup de machette s’abat sur son crâne. J’ai alors le réflexe d’éteindre l’ampoule et de me fondre dans la pénombre ainsi créée. Ne pouvant pas me repérer dans ce cafouillage, ils ressortent, fous de rage, pour s’en prendre à la marchandise. La porte de la boutique est défoncée et son contenu pillé et incendié. Quelques temps après, les forces de l’ordre arrivent sur les lieux à bord d’un véhicule. Louis Bruno baigne dans une marre de sang lorsqu’il est conduit à l’hôpital. Il rendra l’âme sur la table de chirurgie, victime de la xénophobie dont nous sommes victimes depuis le match de dimanche dernier « , indique Alain Tieuntcheu.

De l’autre côté de la route, à quelques deux cents mètres de là, un autre spectacle accapare l’attention de quelques badauds. Une villa littéralement ravagée par des flammes gît au milieu d’autres bâtisses. Les pyromanes n’ont pas fait de détail. Du réfrigérateur à la cuisinière en passant par les meubles, les ustensiles de cuisine et des téléviseurs, rien n’a été épargné, si ce n’est le propriétaire de la maison, Pascal Dzetsop et sa famille,  » partis sur la pointe des pieds aux premières lueurs des échauffourées « , explique un de ses voisins, Jean Marc Mvele. Qui révèle que Pascal serait  » le planificateur des mauvais traitements dont ont été victimes deux dirigeants de Foudre, Assene Nkou, Dg de la Sic et Pierre Lebon Elanga, le président de Foudre d’Akonolinga. En s’en prenant à sa maison les populations entendaient prendre là leur revanche.

Mêmes scènes de pillages et de casses dans les commerces de plusieurs ressortissants de l’ouest au niveau du petit marché. A chaque fois, des boutiques sont éventrées, leur contenu vidé et brûlé sur la chaussée.
Des pillages qui seront complètement éradiqués grâce aux mesures d’intimidation de deux groupements d’intervention de la gendarmerie et de la police venus de Yaoundé en renfort. Sans oublier le déploiement du corps d’élite de la gendarmerie, le fameux Groupement polyvalent d’intervention (Gpign).

A 17heures, lorsque nous quittions les lieux, tout était sécurisé, les éléments du Gpign pouvaient quitter la ville à bord d’un car de transport en commun, à destination de Yaoundé.

© Le Jour : Evariste Menounga

Paru le 18-07-2008 11:04:48

Violences à Akonolinga: Deux Morts !

Click to jump to 'Cameroon-Info.Net'YAOUNDE – 17 JUILLET 2008
© Jean-Bruno TAGNE, Cameroon-Info.Net


Les supporters de l’équipe de football locale voulaient s’insurger contre la descente de leur club en D2 et son élimination en demi-finale de la coupe du Cameroun. Des appels à la haine ethnique ont été émis par les dirigeants du club contre les ressortissants de l’Ouest…

Deux personnes ont été tuées mercredi 16 juillet dernier à Akonolinga dans le département du Nyong et Mfoumou à environ 150 km de Yaoundé. Ils ont été tués lors des violences organisées par les supporters de la Foudre locale, dernière au classement du championnat de D1 et qui venait d’être reléguée en deuxième division. Le club a également été éliminé en demi-finales de la coupe du Cameroun par l’Aigle de la Menoua.

Déçus par leur élimination qu’ils considéraient comme injuste, les supporters de la Foudre s’en sont pris à toutes les personnes qu’ils considéraient comme ressortissant de la province de l’Ouest ou plus précisément de Dschang.


Les violences ont commencé aux environs de 17h après que le Comité exécutif de la Fédération camerounaise de football qui se tenait à Limbé a confirmé la décision de la relégation de Foudre d’Akonolinga. C’est alors qu’informés, les supporters de l’équipe locale sont descendus dans la rue, décidés à en découdre avec les originaires de l’Ouest qu’ils accusent d’avoir violenté les responsables de Foudre lors du match des demi-finales retour à Dschang. Leurs magasins et leurs domiciles ont été ciblés, incendiés et pillés. Les violences ont fait deux morts (l’identité pour l’instant n’est pas encore connue) et une trentaine de blessés, de source policière.

Débordée, la police locale a fait appel aux renforts de Yaoundé. Lesquels ont réussi à maîtriser la situation. Une quinzaine de manifestants ont été interpellés et les enquêtes suivent leur cours

Hier à Akonolinga, le calme était revenu, mais la tension était encore perceptible. Les autorités administratives ont multiplié des réunions pour essayer d’appeler au calme.


Le déchaînement de violence observé mercredi à Akonolinga est la résultante d’un certain nombre de déclarations haineuses qui ont été proférées dans les médias. Sur la Crtv et notamment dans l’émission Fou fou foot, Pierre Lebon Elanga, directeur général de la Foudre et par ailleurs journaliste dans la même chaîne, a utilisé les antennes nationales pour prendre fait et cause pour son club.


Quelques temps plus tôt, notamment samedi dernier sur les antennes de radio Siantou, dans un débat sur le sport, le secrétaire général de Foudre, Faustin Mbida, a affirmé que les fils du Centre devaient se mobiliser contre « la trop grande présence des bamiléké dans le championnat de D1 ». « Il y a dix clubs bamiléké dans le championnat, ce n’est pas normal. Nous les gens du Centre, nous devons aussi être solidaires comme eux. Les clubs des bamiléké gagnent avec la fraude. Tous les cas de fraude dans le championnat vienent d’eux », avait-il dit.


Présent à Limbé lors du comité exécutif de la Fécafoot, le même Faustin Mbida, une fois que la relégation de Foudre a été prononcée, a martelé que c’est désormais un « combat contre les bamiléké » et aurait passé le message à Akonolinga où les supporters attendaient le verdict de la Fécafoot. Lesquels sont descendus dans la rue avec le bilan qu’on sait.

~ par Alain Bertho sur 20 juillet 2008.