
Opération sur un chantier de construction du Corps des volontaires du peuple ou Rela, une milice citoyenne d’un demi-million de volontaires chargée de lutter contre l’immigration clandestine en Malaisie. Crédits photo : ASSOCIATED PRESS
Boat people : l’armée thaïe en accusation
Le 26 décembre 2008, un clandestin est interpellé par la police indienne à Hut Bay, sur l’une des îles Andaman qui, avec Nicobar, forment un petit archipel indien à l’est de la baie du Bengale. Il vient du Bangladesh et faisait partie, dit-il, d’un groupe de 412 hommes partis sur un bateau pour émigrer. Leur barge a dérivé, ils n’avaient plus de vivres et lorsqu’ils ont vu la lumière d’un phare, ils ont sauté à l’eau.
L’histoire n’étonne pas les policiers qui, chaque année après la mousson, lorsque la mer s’apaise, voient s’échouer des bateaux de malheureux poussés par la misère vers la Thaïlande, d’où ils espèrent gagner la Malaisie et l’Indonésie. Beaucoup sont des Rohingyas, minorité ethnique musulmane persécutée en Birmanie, qui ont d’abord fui au Bangladesh.
Les garde-côtes indiens se mettent à la recherche des 411 autres. Le lendemain, dix hommes sont retrouvés et hospitalisés, épuisés et déshydratés. Le plus jeune a 15 ans, le plus vieux 36. Les jours suivants, des dizaines d’autres sont secourus. Le 1er janvier, les garde-côtes font les comptes : 105 survivants, 307 disparus.
Les survivants commencent à parler. Certains racontent que, en route vers la Malaisie, ils ont été interceptés par des Thaïlandais, puis forcés de repartir en mer dans la barge sans moteur. Les policiers indiens, sceptiques, relèvent beaucoup d’incohérences dans leurs récits.
A 800 km de là, le 7 janvier, 193 boat people, repérés par des pêcheurs sur une embarcation, sont secourus près de l’île de Sabang, à la pointe nord de l’archipel indonésien, près de Banda Aceh. Ceux-là disent être partis de Birmanie beaucoup plus nombreux, le 23 décembre, dans quatre petits bateaux. Tous Rohingyas, ils voulaient rejoindre des pays musulmans. Mais, parvenus à la côte thaïlandaise, ils ont été interceptés par des militaires, qui les ont brutalisés et remis dans leurs bateaux. Ils les ont remorqués hors des eaux territoriales, ont détruit leurs moteurs, jeté leurs vivres. Puis les ont abandonnés.
RUMEURS DE DÉTENTION
Ces informations, relayées par le Andaman Chronicle et le Jakarta Post, passent d’abord inaperçues. Mais lorsque, de l’autre côté de la mer de Chine, Ian Young, chef du service international au South China Morning Post, le grand journal de Hongkong, reçoit un courriel de son correspondant à Phuket, en Thaïlande, évoquant des « rumeurs sur la détention secrète de réfugiés Rohingyas sur une île par des paramilitaires », il lui conseille de s’y rendre avec un collègue. Le 12 janvier, le South China Morning Post tire sa première salve.
Les deux journalistes n’ont pas vu de réfugiés sur l’île de Koh Sai Daeng, mais leurs bateaux, et ont interrogé des gens enrôlés par l’armée thaïlandaise pour participer aux opérations de « rapatriement » des Rohingyas. L’un de ces civils affirme que, le 18 décembre, un groupe de 412 clandestins a été remorqué vers le nord dans les eaux internationales. Coïncidence ? 412, c’est aussi le nombre cité par les survivants échoués sur les plages des îles Andaman. Et les dates correspondent. Mais, surtout, le South China Morning Post a parlé au gouverneur de la province, qui a dit que « tous les Rohingyas arrivant le long de cette côte sont remis à la sécurité intérieure. Allez donc en parler au colonel Manat ! », lance-t-il.
Le colonel Manat est le chef régional d’une unité de l’armée chargée de la sécurité intérieure. Tous les autres services interrogés, y compris la marine, répondent que les instructions sont de remettre les boat people Rohingyas non pas aux services de l’immigration mais à l’armée. Le colonel Manat dément, lui, détenir des Rohingyas.
Depuis, chaque jour apporte un nouvel élément, une photo, un témoignage accablant. Tous convergent vers la même hypothèse : l’existence d’un programme secret de l’armée thaïlandaise visant à intercepter les boat people Rohingyas pour les ramener en mer et les y abandonner.
Un jour, c’est un touriste qui appelle le Morning Post pour raconter une scène observée avec d’autres le 23 décembre sur une île en Thaïlande, scène qu’il a photographiée, où l’on voit des rangées de réfugiés à plat ventre sur le sable, en plein soleil, gardés par des militaires armés de M16. Selon les témoins, ils sont restés là plusieurs heures et recevaient des coups sur la tête s’ils tentaient de bouger.
Un autre, c’est la police indienne qui rend publics les interrogatoires des rescapés des îles Andaman ; ceux-là parlent d’exécutions sommaires pour les forcer à reprendre la mer. Ils décrivent comment, après avoir été lâchés au large par l’armée thaïlandaise avec deux sacs de riz cuit et huit litres d’eau pour plus de 400 hommes, la barge a dérivé tandis que ses occupants commençaient à mourir de faim et de soif. Puis comment ils ont plongé en voyant un phare, mais, à bout de forces, n’ont pas pu surnager. Un autre jour, c’est une photo du colonel Manat, qui disait n’avoir rien à voir avec cette affaire, debout sur la plage de l’île Koh Sai Daeng, entouré d’officiers, devant des réfugiés Rohingyas accroupis. Si cela ne suffit pas, il y a aussi une vidéo…
« SÉCURITÉ NATIONALE »
Le South China Morning Post affirme que, au total, un millier de Rohingyas ont été délaissés en mer depuis décembre et que la moitié d’entre eux (538 au 18 janvier) sont morts ou disparus. Le journal a remis son dossier, sources comprises, au Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU, qui, le 20 janvier, a demandé au gouvernement thaïlandais de lui donner accès à un groupe de 126 boat people Rohingyas récemment interceptés, puis aux autorités indonésiennes de lui donner accès aux 193 détenus sur la base navale de Sabang. Mercredi 23 janvier, ces requêtes étaient encore sans réponse, selon la porte-parole régionale du HCR, Kitty McKinsey.
Un responsable militaire thaïlandais a fini par admettre que l’armée finançait un programme visant à « aider » les Rohingyas à repartir vers la Malaisie et l’Indonésie, mais a nié qu’ils soient maltraités ou remis en mer. A Bangkok, le nouveau premier ministre, Abhisit Vejjajiva, a annoncé une enquête et s’est engagé à faire punir les éventuels coupables.Mais il a aussi promis de « renvoyer les immigrants clandestins » et a expliqué la préoccupation de l’armée à l’égard de l’afflux de Rohingyas : « C’est une question de sécurité nationale« , a-t-il dit, confirmant la crainte qu’ils n’aillent renforcer les insurgés musulmans au sud de la Thaïlande, où le conflit a fait plus de 3 300 morts depuis 2004. C’est aussi dans cette région que, selon Amnesty International, l’armée thaïlandaise a fait un usage systématique de la torture à l’égard des séparatistes musulmans.
Environ 300 immigrants clandestins portés disparus au large des côtes indiennes

29 décembre 2008
NEW DELHI — Quelque 300 immigrants clandestins, principalement originaires du Bangladesh, sont portés disparus au large des côtes orientales de l’Inde après avoir sauté d’un bateau à la dérive et tenté de rejoindre le rivage à la nage. Les garde-côtes indiens redoutaient lundi qu’ils soient décédés.
Les personnes portées disparues tentaient de rejoindre à la nage les îles indiennes Andaman, ont précisé les garde-côtes qui ont secouru 102 rescapés. Les îles Andaman sont situées à environ 1.365km à l’est de l’Inde, entre la Thaïlande et la Birmanie.
Nombre de Bangladais paient l’équivalent de 210 euros par personne à des passeurs pour tenter de gagner la Thaïlande ou la Malaisie, à la recherche de meilleurs emplois. Les traversées sont effectuées sur des bateaux peu sûrs, et les naufrages sont fréquents.
La Malaisie estime entre 500.000 et 700.000 le nombre d’immigrés clandestins dans le pays, en plus des quelque deux millions de travailleurs étrangers légaux, qui occupent des emplois peu rémunérés dans le bâtiment ou la restauration.
Mort de 54 immigrants clandestins birmans en Thaïlande
10/04/2008-[03:25] – AFP

BANGKOK, 10 avr 2008 (AFP) – Cinquante-quatre Birmans sont morts étouffés, et 21 ont été retrouvés dans un état grave, alors qu’ils tentaient d’immigrer en Thaïlande à bord d’un conteneur frigorifique, a annoncé jeudi la police.
Ces victimes faisaient partie d’un groupe de 121 personnes entassées dans un conteneur qui faisait 6 m de long et 2,2 m de large, a précisé le colonel Kraithong Chanthongbai, chef de la police de la province frontalière de Ranong où les corps ont été découverts mercredi soir. Le conteneur était normalement utilisé pour transporter du poisson congelé. Les clandestins ont chacun payé 5.000 baht (157 dollars) pour être transportés de la frontère birmano-thaïlandaise vers la station touristique de Phuket, où ils espéraient trouver un emploi saisonnier, a précisé le chef de la police. Lorsque le chauffeur du camion transportant le conteneur a constaté que plusieurs passagers étaient morts, il a garé le véhicule sur le bas-côté de la route, ouvert la porte du conteneur et pris la fuite, a-t-il ajouté. Les 46 survivants sortis indemnes du conteneur ont été arrêtés. Quelque 540.000 immigrés, pour la plupart originaires de Birmanie, travaillent légalement en Thaïlande, selon le ministère du Travail. Mais, selon des associations de défense des droits de l’Homme, plus d’un million d’autres y séjournent sans papiers et sont souvent exploités par leurs employeurs.
Le RIAT barre la route de l’eldorado

Un groupe d’immigrés clandestins, composé de 370 personnes de nationalité éthiopienne, a été arrêté à Tadjourah vendredi par le régiment interarmées de Tadjourah et transféré le lendemain vers la capitale. Ce groupe de candidats à l’émigration vers la péninsule arabique est le deuxième intercepté en deux semaines dans le nord du pays.
Quelque 370 immigrés clandestins interpellés dans la région de Tadjourah par l’armée nationale ont été transférés à Djibouti samedi à bord du bac INMAA.
Ces clandestins, majoritairement originaires d’Ethiopie, ont été arrêtés par des unités du régiment interarmées de Tadjourah alors qu’ils s’apprêtaient à se rendre dans la région côtière d’Obock pour ensuite passer au Yémen.
Ces immigrés clandestins traversent à pied les zones frontalières, avant d’être guidés par des passeurs qui les conduisent ensuite vers la côte obockoise d’où ils embarquent à bord d’embarcations de fortune vers la péninsule arabique considérée comme un eldorado par ces hommes et femmes désespérés.
C’est le 2ème groupe d’immigrés clandestins interpellé dans les régions du nord en l’espace de deux semaines.
Le premier groupe de quelque 230 clandestins d’origine somalienne avait été transféré la semaine dernière à Djibouti par la police à bord du même bac.
Cette nouvelle vague s’ajoute ainsi à l’afflux de 2000 réfugiés somaliens à Djibouti. Ces derniers, accueillis au camp de Ali addé il y a à peu près 2 semaines, avaient fui la sécheresse et les zones de combats qui affectent la Somalie. Ces immigrés clandestins vont sans doute être rapatriés vers leur pays d’origine.
Selon le commandant du RIAT, la majorité de ces immigrés ont été arrêtés dans le secteur de Loubatanleh au cours d’une opération qui a duré plus de 12 heures dans la journée du jeudi 3 avril. Malgré les risques et périls, ces clandestins qui fuient les guerres et les famines n’hésitent pas à s’aventurer en mer pour rejoindre les pays du golfe où ils espèrent une vie meilleure.
Malaisie : la main musclée des milices anti-clandestins

Kuala Lumpur, Solenn Honorine 6/03/2008
Kuala Lumpur recrute des volontaires pour traquer les sans-papiers. De larges prérogatives et le manque de formation des agents donnent lieu à des dérapages.
Ce mardi soir, un seul tapis crache les bagages des passagers qui viennent d’arriver dans le grand aéroport de Kuala Lumpur. Le vol précédent, en provenance de Dacca, est déjà arrivé depuis longtemps, mais ses passagers sont toujours dans le hall d’arrivée. Plusieurs centaines d’hommes sont sagement alignés en rang, sans parler, sac sur le dos et casquette blanche ou jaune sur la tête. Au signal, chaque file s’engage dans une porte qui leur est spécialement réservée. Une fois à l’extérieur, ils rencontreront l’agent qui les a recrutés au Bangladesh pour grossir les rangs de cette armée estimée à 3 millions de travailleurs immigrés qui font tourner l’économie malaisienne.
La plupart viennent de l’Indonésie voisine ou du sous-continent indien, attirés par les opportunités de travail dans le bâtiment, les plantations ou les emplois domestiques. Mais seuls 1,8 million possèdent des documents légaux ; pour les autres, le rêve malaisien peut rapidement tourner au cauchemar.
Kuala Lumpur a mis en place, en 2002, des lois très dures pour lutter contre l’immigration clandestine qui autorisaient, par exemple, la condamnation à des coups de fouet. Et à la pointe du dispositif, on trouve le Corps des volontaires du peuple ou Rela, une milice citoyenne d’un demi-million de volontaires chargée d’arrêter les migrants. Son efficacité se lit dans les chiffres : l’année dernière, elle a procédé à plus de 30 000 arrestations. Paul Rung en a fait partie. Ce Birman a fui les persécutions de la junte de son pays, mais comme la Malaisie n’est pas signataire de la convention des Nations unies pour les réfugiés, Kuala Lumpur le considère comme un immigré clandestin. «À deux heures du matin, on a entendu des coups sur la porte, raconte-t-il. C’était les Rela. Ils nous ont tous fait descendre sur le parking, ont vérifié nos papiers, et quarante d’entre nous ont été envoyés en camp de détention. Après quatre mois, j’ai été déporté de l’autre côté de la frontière thaïe.»
Droit de porter des armes
Rela est né à la suite de la loi sur l’état d’urgence qui date des années 1960, lorsque la Malaisie faisait face à une insurrection communiste. Ses membres étaient alors chargés de défendre le pays contre la guérilla. Malgré la fin des troubles, les décrets liés à cette loi d’urgence n’ont jamais été abrogés. Les Rela sont donc restés en sommeil pendant des décennies, jusqu’à ce que le gouvernement décide de les ranimer en 2005 pour les charger de lutter contre l’immigration illégale. Pour cela, ils disposent de larges prérogatives : pouvoir d’arrestation, droit de pénétrer sans mandat dans des propriétés privées, autorisation, pour les plus gradés d’entre eux, de porter des armes. «Et ces larges prérogatives ne sont accompagnées d’aucun garde-fou, d’où des dérapages», critique Yap Swee Seng, président de l’organisation de défense des droits de l’homme Suaram.
Un risque pour la sécurité
La presse locale, pourtant peu critique envers les actions du gouvernement, s’en fait régulièrement l’écho, évoquant les violences envers les personnes arrêtées, les vols de téléphones portables ou d’argent liquide lors de ces raids… L’année dernière, plusieurs cas ont même déclenché des incidents diplomatiques, surtout avec l’Indonésie dont les ressortissants forment le gros des travailleurs étrangers du pays.
En août dernier, la grande avenue de Jakarta où se trouve l’ambassade de Malaisie a été partiellement bloquée pendant plusieurs jours par des milliers de jeunes Indonésiens : l’entraîneur de karaté de l’équipe indonésienne, en visite officielle en Malaisie pour un tournoi, avait été arrêté en pleine rue sans son passeport par ces milices qui le soupçonnaient d’être un immigré clandestin. Lors de sa détention, il a été sévèrement battu. Quelques semaines plus tard, c’est la femme d’un diplomate de l’ambassade indonésienne qui a été emprisonnée par des membres du Rela qui ne reconnaissaient pas son passeport diplomatique.
Ces incidents soulignent l’une des critiques majeures au sujet du Rela : le manque de formation de ses agents, qui ne suivent qu’un entraînement basique de dix jours. Tout citoyen malaisien âgé de plus de 16 ans peut en faire partie, sans qu’aucune enquête préliminaire ne soit faite sur lui, pas même le contrôle de son casier judiciaire. «On ne veut pas décourager les bonnes volontés qui veulent joindre nos rangs, défend Datuk Zaidon noms à la Asmuni, son directeur général. Si nous envoyions 475 000 police, cela lui prendrait trop de temps. Elle a d’autres priorités.»
Malgré ces critiques, l’action du Rela est vue sous un jour positif dans le pays. Car devant une inquiétante augmentation de son taux de criminalité, les immigrés sont souvent montrés du doigt, alors même que les statistiques officielles indiquent qu’ils ne sont responsables que de 2 % des crimes. «Si les immigrés sont, comme le dit le gouvernement, un risque pour la sécurité nationale, alors on devrait arrêter de dépendre d’eux pour notre croissance économique !», s’emporte Florida Sandamasamy, une travailleuse sociale de l’ONG Tenaganita, qui travaille avec les migrants. «De toute façon, Rela ne peut pas régler le problème, car il ne s’attaque pas à sa cause.»
Paul Rung, le réfugié birman, n’est resté que quelques jours en Thaïlande, le temps de trouver un passeur pour revenir à Kuala Lumpur. S’il restait en Thaïlande et se faisait arrêter, explique-t-il, il risquait d’être déporté en Birmanie. «C’est sûr, en Malaisie, je ne pourrai jamais vivre en paix , soupire-t-il. Mais tant que l’on n’aura pas de changement en Birmanie, cela vaut mieux que de retourner dans mon pays.»
~ par Alain Bertho sur 17 avril 2008.
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