Mayotte 27 mars 2008

Émeutes à Mayotte...

« Le blog-note de Noha, Emma, Chrystelle et Matthieu »

jeudi 27 mars 2008

Suite à l’arrivée à Mayotte de Mohamed Bacar, président colonel déchu d’Anjouan, des manifestations se sont déclenchées pour demander son extradition vers Moroni… ça, c’est la version soft de LCI en bandeau tout au long de la journée.

Parce que point de volonté d’extradition, mais juste une grosse envie de lynchage sur la place publique… Cependant comme c’est passé de coutume en France, le colonel déchu et ses hommes ont été convoyés sous bonne escorte à l’aéroport pour être envoyés à la Réunion et remis aux autorités judiciaires (entrée illégale en France avec armes… c’est un début).

Il n’en fallait pas plus pour déclencher la colère des Comoriens résidants à Mayotte, alors point de manifestations mais des émeutes avec caillassages en règle, voitures et motos incendiées, routes bloquées… Et agressions des quelques Mzungus qui passaient par là. (voir la vidéo en cliquant ICI)

Nous avons donc été bloqués une partie de la journée dans le lycée, le téléphone portable a chauffé pour s’enquérir de la situation, faire récupérer les enfants… C’est dans ces situations que l’on peut voir le développement des rumeurs : il a été question de morts une partie de la journée, information d’ailleurs relayée par la radio et, semble-t-il, fort heureusement fausse, de prise d’otages à échanger contre Bacar, d’aéroport incendié pour l’empêcher de partir et d’informations plus ou moins contradictoires sur les lieux d’émeutes… Et donc sur les possibilités de rentrer à la maison en sécurité… ou pas.

Le retour à la maison, sans aucun problème, a permis une thérapie collective de quartier (c’est l’instinct grégaire qui veut que l’on se réunisse en cas de danger), de contempler médusés les voitures de ceux qui se sont retrouvés à un moment ou à un autre en contact avec les émeutiers… Et de ce dire qu’ils avaient eu de la chance.

Comme souvent dans cette situation, le retour au calme relatif arrive avec l’annonce de l’arrivée des gendarmes mobiles de la Réunion… Comme souvent, c’est l’incompréhension devant parfois des gamins de 13/14 ans qui pêtent les plombs, rackettent et font le coup de poing ; et un sentiment de malaise qui domine. Comme souvent, le racisme anti-blanc refait surface… Mais cette fois, les violences sur personne ont été beaucoup plus graves et nombreuses. Alors, si avec une grande ouverture d’esprit, les barrages et les pierres qui volent peuvent faire partie du folklore local, les atteintes aux personnes traduisent une grave détérioration du climat social.

Mayotte ce n’est donc pas que la carte postale avec les plages, makis et tortues… C’est aussi 40% de clandestins vivant dans la misère et dont certains sont près à faire éclater leurs frustrations à la première occasion.

Bref, la journée est finie, la petite famille va bien et à chaque jour suffit sa peine.

Manifestation à La Réunion, émeutes à Mayotte

Une trentaine de ressortissants comoriens ont manifesté ce vendredi 28 mars devant la préfecture et le commissariat central de Saint-Denis où le colonel Bacar, président déchu d’Anjouan est en garde-à-vue depuis la nuit de jeudi. Les manifestants demandent qu’il soit renvoyé vers les Comores afin d’y être jugé pour actes de tortures. Le procureur de Saint-Denis a annoncé que l’ancien président sera jugé samedi pour entrée illégale sur le sol français. À Mayotte, un calme précaire régnait ce vendredi matin après les violentes émeutes de jeudi.

Le président anjouanais déchu est arrivé dans la nuit du jeudi 27 mars 2008 à la Réunion. Avec 22 de ses partisans, il est retenu en garde-à-vue au commissariat Malartic de Saint-Denis où les auditions, menées par la Police de l’Air et des Frontières, devraient se poursuivre jusqu’à samedi 29 au matin. Il sera ensuite jugé, probablement dans la journée, par le parquet de Saint-Denis pour entrée illégale sur le sol français (à savoir Mayotte) et port d’armes illicite.

Mohamed Bacar est donc arrivé sur le sol réunionnais vers 1 heure du matin à bord d’un transall de l’armée de l’air. Il a été immédiatement transféré au commissariat Malartic en compagnie de sa garde rapprochée. D’après François Muguet, procureur de la République de Saint-Denis, l’ancien dictateur sera jugé « sous le régime de la comparution immédiate », en fin de matinée, ce samedi 29 Mars. Les chefs d’accusation retenus contre lui sont l’intrusion illégale sur le territoire et l’importation, le transport et la détention d’armes prohibées de première catégorie (armes de poing utilisées en temps de guerre). « Le tribunal de Saint-Denis appréciera de la suite à donner au sort de Mohamed Bacar, a conclu François Muguet

Mandat d’arrêt international

Sachant qu’il n’existe pas de procédure d’extradition entre la France et les Comores et que le colonel Bacar a fait une demande, en marge de son jugement, d’asile politique, nul ne peut encore prédire le sort judiciaire de l’ancien président d’Anjouan. La République des Comores dit avoir émit un mandat d’arrêt international contre le fuyard, en l’accusant notamment de tortures, et insiste pour qu’il soit traduit dans les plus brefs délais devant la justice comorienne.

Le colonel Bacar n’a, pour sa part, pas du tout intérêt à être renvoyé dans son pays d’origine où la peine de mort est toujours en vigueur (elle n’a cependant été appliquée que deux fois depuis 1975). À Mayotte, où les tensions sont restées vives jusque tard dans la nuit, le calme semble être revenu. Partis de La Réunion, deux pelotons de gendarmerie mobile, soit une quarantaine de militaires, sont arrivés hier en renfort. Un véhicule blindé roulant de gendarmerie (VBRG), utilisé lors d’émeutes, a également été expédié sur place.

Émeutes à Mayotte

Rappelons par ailleurs que jeudi à Mayotte près de 1000 Comoriens ont manifesté dans les rues de Mamoudzou, 200 en Petite Terre, pour l’extradition de Mohamed Bacar qu’ils veulent voir jugé en Grande Comore, dans son pays d’origine. La rotation des barges entre les deux îles a dû être longuement interrompue pour raisons de sécurité. La tension est quelque peu retombée dans la soirée, après que les forces de l’ordre soient intervenues, à coup de grenades lacrymogènes. Le premier bilan officiel faisait état de 18 blessés, enregistrés au centre hospitalier de Mamoudzou.

Une crise de grande ampleur

C’est la nouvelle de la prise en charge de Bacar par les autorités françaises qui a mis le feu aux poudres. En effet, la situation à Mayotte s’est envenimée quand les Anjouanais ont appris que l’ancien Président et ses proches étaient réfugiés au sud de Grande terre, chez son frère.

Des barrages ont été érigés dans plusieurs villages du sud et des échauffourées ont eu lieu. L’annonce de l’extradition de Bacar vers la Réunion, intervenue dans la matinée, n’a fait qu’exacerber les rancoeurs et relancer la mobilisation des Anjouanais. Certains ont même pu gagner l’aéroport de Pamandzi (d’où décollait Bacar) : « nous voulons qu’ils nous rendent Bacar », expliquait l’un des manifestants présents à l’aéroport.

Imprévisible

C’est pour éviter une trop forte affluence en Petite terre que le Préfet a décidé d’interrompre le trafic des barges. Loin de faire revenir le calme, cette mesure a encore fait monter la pression. D’après des images diffusées par RFO Mayotte, certains métropolitains ont été littéralement passés à tabac par des jeunes Anjouanais. C’est le rond-point de la barge, centre névralgique de Mamoudzou, qui a cristallisé toutes les tensions. De nombreuses personnes ont dû se réfugier dans les magasins, les commissariats et gendarmeries. Si l’apaisement était revenu en début de soirée dans le chef-lieu, la suite des événements demeure imprévisible.

Texte et photos : Imaz Press Réunion
29/03/2008

« C’est la crise avec émeutes des comoriens à Mayotte? »

Aufeminin.com

Envoyé par van31 le 28 mars à 13:44

L’exil de Bacar met Mayotte en ébullition

De notre correspondant à la Réunion LAURENT DECLOITRE

On a foncé comme des malades, sinon on était lynchés ! Hier, après une journée réfugié dans son bureau de Kawéni, au nord de Mamoudzou – le chef-lieu de Mayotte -, Jean-François Malichecq a tenté une sortie. On est tombé sur un groupe dune trentaine de jeunes. Ils ont caillassé la voiture, brisé les vitres. Tout ça parce qu’on est blancs. Où sont les militaires ? témoigne le chef d’entreprise. Comme lui, la communauté des mzungus (les métropolitains) de cette île française de locéan Indien a été prise à partie par la population d’origine comorienne, nombreuse à Mayotte. On a accueilli une dizaine de blessés, qui ont été molestés, confirme Alain Daniel, directeur du centre hospitalier de Mayotte. Mais aucun blessé grave ni mort , a précisé le préfet.

Les émeutiers ont manifesté leur colère après la fuite à Mayotte de Mohamed Bacar, lex-homme fort de l’île comorienne d’Anjouan, distante de seulement 70 km, qui avait organisé des élections illégales et s’est rendu coupable d’exactions sur sa population. Bacar a demandé l’asile politique à la France, après avoir été renversé mardi par les forces comoriennes loyalistes et africaines, avec le soutien logistique de la France. A Mayotte, les manifestants anjouanais, qui reprochent à la France de jouer un double jeu et de protéger Bacar, demandent son extradition vers les Comores. Ils sen sont pris, de fait, à tous les Blancs.

Des barrages ont été dressés sur les nombreux ronds-points de Mamoudzou, plusieurs voitures ont été brûlées. Des taxis ont été arrêtés, les occupants sortis de force et frappés. Des dizaines de mzungus se sont réfugiés dans des bars ou des restaurants de la place du Marché, tandis que les commerces ont baissé leur rideau. Les émeutiers ont tenté d’investir l’aéroport de Pamandzi, situé sur l’îlot de Petite-Terre, où était retenu Mohamed Bacar par les autorités françaises. La foule a été dispersée à coups de bombes lacrymogènes. Le service des barges, qui relient Petite-Terre à la Grande-Terre, l’île principale de Mayotte, a été interrompu, si bien que de nombreux Mahorais n’ont pu regagner leur domicile. Hier soir, aucun mzungu ne se risquait à circuler dans les rues du chef-lieu, contraints parfois de dormir sur leur lieu de travail ou de laisser leurs enfants passer la nuit dans les écoles.

Dans la ville de Kawéni, les escarmouches se poursuivaient entre forces de lordre et casseurs. Les liaisons aériennes avec la Réunion avaient été interrompues dès le matin. Toutefois, deux Transall de l’armée ont décollé de la Réunion pour acheminer 100 gendarmes mobiles en renfort. Mohamed Bacar devait être rapatrié sur Saint-Denis de la Réunion dans la nuit. Yves Jégo, le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, en visite à la Réunion, a indiqué que le président déchu sera mis entre les mains de la justice française, pour importation d’armes et immigration illégale. Par ailleurs, la France réfléchit aux conditions de sa consignation à résidence et à sa demande d’asile politique. Le ministre doit se rendre ce matin à Mayotte

A Mayotte, dérapages face aux « sans-papiers » comoriens

07/04/2008 |

Loin des regards métropolitains, une partie dramatique se joue pour la France dans un coin reculé de l’océan Indien, partie dans laquelle des principes contradictoires sont en jeu, qui mettent à mal les règles républicaines, et qui ont mené à la manifestation, dimanche à Mayotte, pour l’expulsion des sans-papiers Comoriens.

Résumé de la situation pour ceux qui auraient oublié que l’empire français ne s’est pas complètement éteint. L’île de Mayotte, dans l’océan Indien, est une « collectivité territoriale » française, c’est-à-dire pas tout à fait un DOM-TOM mais une composante de la République. Un héritage du référendum organisé en 1975 pour l’archipel des Comores, alors composé de quatre îles (Grande Comore, Anjouan, Mohéli et Mayotte). Cette dernière vota massivement pour rester française et fut détachée de l’archipel, décision condamnée par les Nations unies.

Mayotte bénéficiant de facilités sociales françaises alors que les Comores sont un archipel resté pauvre, son pouvoir d’attraction a agi comme un aimant, attirant de nombreux Comoriens, principalement des Anjouanais, l’île la plus proche, venus en « kwassa-kwassa », ces bâteaux de pêche dont les accidents réguliers font de nombreuses victimes. Parmi ces migrants, des femmes enceintes tentant d’obtenir le droit du sol pour leurs enfants à naître, afin qu’ils soient français. Cette situation provoque des tensions régulières, au point que Paris a envisagé un moment suspendre le droit du sol pour Mayotte -ce qui aurait été une brèche sans précédent dans l’égalité républicaine.

M’Zungus et Mahorais unis contre les Anjouanais qui feraient couler l’île…

Cette situation a connu un brusque regain de tension récemment avec les événements d’Anjouan, où un chef rebelle, le colonel Mohamed Bacar, qui avait pris le contrôle de l’île, a été débarqué du pouvoir par une intervention armée conjointe des Comores et de l’Union africaine. Lorsque Bacar a trouvé refuge à Mayotte (puis a été exfiltré à la Réunion où il se trouve toujours), les Anjouanais de Mayotte ont provoqué de violentes émeutes le 27 mars, s’en prenant aux « métropolitains », les « M’Zungus », les Blancs… Des événements qui ont précipité l’expulsion de centaines de clandestins anjouanais vers les Comores. Ces événements ont choqué les habitants de Mayotte, et ont conduit à la grande manifestation de dimanche contre les « sans-papiers ». Sur place, à Mayotte, Nicolas Goinard témoigne:

« Ce qui est aujourd’hui impensable en métropole est devenu courant à Mayotte: des marches sont organisées, certes pacifistes, mais contre des sans-papiers… Les Anjouanais sont directement visés dans des slogans décomplexés. Dimanche 6 avril au matin, Mamoudzou, principale ville de Mayotte, a connu une des ces manifestations: une foule nombreuse composée de Mahorais et de métropolitains a brandi des pancartes aux textes virulents contre les voisins de l’île comorienne les appelant à partir: ‘Vols, insécurité… Prison pleine. Partez, partez’… Egalement sur les banderoles, des prises de position contre le droit du sol: ‘Mayotte est trop petite, elle risque de couler.’

Cette marche, organisée en réponse aux émeutes du 27 mars qui ont suivi l’arrivée à Mayotte de Mohammed Bacar, despote chassé du pouvoir par l’Union africaine et cause de l’immigration continue d’Anjouanais vers l’île aux parfums, faisait suite à une série de défilés organisées cette semaine dans l’île, notamment à Labattoir sur Petite Terre, et à M’tsapéré, en périphérie de Mamoudzou. Il n’y a pas eu de débordement en marge de ces cortèges. Les émeutes sont désormais loin, même si elles ont choqué une grande partie de la population mahoraise. »

Cette crise met en conflit l’histoire des relations régionales, une réalité coloniale qui ne dit pas son nom, et les règles de la République. Elle conduit à des comportements inadmissibles sur un « bout de France », même éloigné, comme en témoigne ce texte que nous avons reçu de Jean-Philippe Decroux, proviseur du lycée de Kahami à Mayotte, responsable local du syndicat des proviseurs SNPDEN. Dans ce long texte, daté du 1er février, soit avant les derniers incidents, M. Decroux dénonce la manière dont est gérée la question des sans-papiers par l’administration française, conduisant à des « drames humains, des atteintes aux droits et à la dignité humaine ». Après avoir souligné l’ambiguïté du statut de « sans-papiers » dans un archipel autrefois intégré où les traditions familiales et économiques incluaient la liberté de circuler, et la politique du « chiffre » du ministre Brice Hortefeux qui utilise Mayotte pour compenser son incapacité à remplir ses quotas ailleurs, le proviseur relève:

« Le souci de ‘faire du chiffre’ ne permet évidemment pas de porter une réelle attention aux situations. C’est ainsi que des enfants de parents expulsés se retrouvent, de plus en plus nombreux, totalement livrés à eux-mêmes… parfois à n’importe qui. Il n’est pas rare de voir des enfants mendier ou se nourrir sur les décharges publiques. Des bandes se forment et on a affaire là à de vraies bombes à retardement.

A l’inverse, lors de la visite de la CIMADE (seule association agréée par l’Etat pour visiter les centres de rétention), sa responsable s’est déclarée choquée « du nombre de mineurs expulsés seuls chaque année » -ce qui est strictement interdit par la loi- et « confiés à des personnes plus ou moins proches ». Pour 2006, le chiffre de 3093 est avancé! Elle ajoute que « le centre de rétention de Mayotte est le pire de France ». La surpopulation peut y atteindre 200 personnes pour 60 places. Les gens sont massés dans deux petites pièces de 50m2, sans les matelas ni les draps réglementaires, avec seulement cinq gamelles pour la nourriture. »

Former des élèves “en situation irrégulière“ est la meilleure forme de coopération régionale

S’agissant des élèves, le proviseur relève ainsi:

« Les vacances scolaires, période de moindre réactivité, sont particulièrement propices aux expulsions massives. »

Et il ajoute:

« la question de l’immigration à Mayotte, ce « confetti », îlot de prospérité au cœur du canal du Mozambique, ne peut être à l’évidence réglé uniquement par de bons sentiments. (…) il faut admettre que la tâche des responsables est complexe si l’on veut éviter que « Mayotte ne coule sous le poids de l’immigration clandestine », comme le disait le président de la Collectivité. En revanche, la situation des « élèves clandestins » ne devrait souffrir -quant à elle- d’aucune ambiguïté ».

Quelle solution à cette situation qui résulte du choix très contestable, et illégal au plan international, fait en 1975 sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, de séparer Mayotte du reste des Comores? Le proviseur esquisse une piste:

« Chacun s’accorde à dire que la solution à l’immigration clandestine est dans l’amélioration des conditions de vie dans le pays d’origine, afin bien entendu que les gens ne soient pas contraints à fuir la misère et à chercher à Mayotte un sort meilleur. Le consensus se fait alors sur la nécessité de développer la « coopération régionale ».

Les actions dans ce domaine sont encore modestes et se heurtent de plus à quelques obstacles. On peut citer évidemment le « mode de gestion » de certains responsables sur place, mais -pour ce qui concerne la formation-, quelle efficacité peut-on attendre, par exemple, d’une action de formation pédagogique menée par nos professeurs français en direction d’enseignants anjouanais alors que ces derniers n’ont pas touché leur traitement depuis plusieurs mois?

En tout cas, les élèves en situation irrégulière accèdent, à Mayotte, à des formations de qualité et à de vrais diplômes. Tout ceci n’a rien à voir avec le délabrement du système éducatif des Comores. Au-delà de la mission incontournable de l’école qui se doit d’accueillir tous les élèves sans distinction et d’offrir à tous l’opportunité d’un destin individuel réussi, la formation des élèves “en situation irrégulière“ est la meilleure forme de coopération régionale. Si l’on se place en effet dans l’optique d’un retour ultérieur dans le pays d’origine, on donne ainsi à ce pays la chance de bénéficier de personnes qualifiées, ce qui est l’un des incontournables du développement économique. On fournit également des citoyens qui ont pratiqué, à travers l’école de la République, des valeurs de tolérance et de démocratie. Tout ceci ne peut être que porteur de progrès. »

Une approche humaniste et républicaine dont, c’est le moins qu’on puisse dire, la gestion actuelle de la crise des Comores/Mayotte semble bien dépourvue.

Pierre Haski, avec Nicolas Goinard à Mayotte

Mayotte chasse les Anjouanais tandis que Paris protège Bacar

Par Nicolas Goinard | journaliste | 04/04/2008

Un homme, chapeau traditionnel sur la tête, est assis à l’arrière d’un fourgon de police. Mardi vers 11 heures, il a été interpellé près du marché de Mamoudzou, principale ville de Mayotte, petit territoire français dans l’océan Indien. Et comme bon nombre de clandestins anjouanais, cet homme a certainement été renvoyé sur Anjouan mercredi matin par le Tratinga III, nouveau bateau chargé par la préfecture d’effectuer des rotations vers cette île de l’archipel des Comores à seulement 70 km des côtes mahoraises.

150 clandestins ont ainsi été expulsés, une semaine à peine après les émeutes d’Anjouanais dans les rues de Mamoudzou à la suite de l’accueil par la France de l’ancien homme fort d’Anjouan, Mohammed Bacar, chassé du pouvoir par l’Union africaine. Ces derniers temps, 300 Anjouanais auraient été expulsés en moyenne chaque semaine. Et d’après nos informations, la préfecture redouble d’efforts pour les chasser à force de contrôles intempestifs et surveillance des plages, qui s’accentuera avec un troisième radar dans la zone sud, dans les jours à venir.

Aussi, il n’est pas rare de voir la gendarmerie mobile patrouiller sur les plages de l’île où débarquent souvent les Anjouanais. 80 gendarmes mobiles sont arrivés en renfort de Toulouse et sont logés dans le centre d’hébergement réservé aux sportifs dans le quartier de Cavani à Mamoudzou. Un observateur local décrit: « Ils sont là pour deux ou trois mois. » La police municipale de la ville principale ne lésine pas non plus sur les moyens en délogeant les Anjouanais. A la télé locale, une de ces sans-papiers condamnée à l’errance estime:

« Les Mahorais ne veulent pas de nous. Qu’ils nous donnent des bateaux pour rentrer chez nous au lieu de nous expulser… »

La prison de Mayotte serait pleine… Et pendant ce temps, Mohammed Bacar, dictateur déchu, débarqué à Mayotte où vit son frère, reste protégé par l’armée à La Réunion. Pas de quoi calmer les Anjouanais qui après l’annonce de l’arrivée de Bacar, n’ont pas accepté cette protection accordée par la France et se sont révoltés. Dans le quartier de Kawéni, des groupes de jeunes ont pris à partie des M’zungus (métropolitains), brûlant quelques voitures au passage. La situation s’est aujourd’hui retournée. Et la « chasse » aux Anjouanais a commencé, alors que cette communauté ne faisait déjà pas l’unanimité dans l’île, souvent accusée de créer de l’insécurité, et beaucoup stigmatisée. Comme par ce métropolitain qui, devant son portail portant la mention « attention chien méchant », explique:

« C’est pour faire peur aux Anjouanais. Ils n’aiment pas les chiens. Mais je n’ai pas de chien. »

Tout autour de son jardin, il a disposé du fil barbelé sur la clôture. Pour les Anjouanais, Mayotte est un eldorado. Mais sur l’île aux senteurs, ils sont bien souvent contraints à la clandestinité. Dès qu’ils sont arrêtés, ils sont expulsés… en vain puisqu’ils reviennent bien souvent. En 2007, 16 000 Anjouanais ont été reconduits à la frontière par le bateau Maria-Galanta. En revanche, ceux qui ont des papiers travaillent souvent dur… Un Mahorais raconte:

« C’est comme en métropole où les boulots difficiles ont été abandonnés par les blancs. Ici, c’est pareil, les Mahorais sont dans les bureaux, et les Anjouanais travaillent sur les chantiers. »

C’est ça l’eldorado…

~ par Alain Bertho sur 7 avril 2008.