Côte d’Ivoire avril 2008

AFP
Un mort dans les manifestations contre la vie chère
RFI
01/04/2008
Après le Burkina Faso, le Cameroun et le Sénégal, désormais c’est la Côte d’ivoire qui est touchée par les manifestations contre la vie chère. Depuis deux jours, Abidjan la capitale économique, est en effet en pleine ébullition. Hier lundi, au moins un manifestant est mort tué par les forces de l’ordre à Port-Bouët. Pour faire retomber la tension, le gouvernement a annoncé lundi des mesures « immédiates » pour faire baisser le niveau des prix des denrées de première nécessité, notamment alimentaires.
Circonscrites lundi aux seules communes de Yopougon et de Cocody, les manifestations se sont étendues à la quasi totalité de la ville d’Abidjan. Dans les différents rassemblements de protestataires, beaucoup de femmes mais aussi des jeunes venus crier leur ras-le-bol. Si le mouvement de contestation ne semble pour l’heure pas politisé, les revendications sont précises et argumentées.
Si les forces de l’ordre n’ont pas hésité lundi à faire usage de leurs armes pour mater la contestation, un jeune homme est même mort hier à Port-Bouët, les autorités ivoiriennes semblent avoir pris la mesure de la colère des populations.
Le gouvernement a en effet décidé mardi de suspendre temporairement les droits de douane sur plusieurs produits de première nécessité. Un allègement de la fiscalité de ces produits et un renforcement des mesures de lutte contre le racket doivent également être mises en œuvre. But de l’opération : ramener les prix de ces denrées à leur niveau d’avant la hausse et surtout éteindre au plus vite un mouvement qui menace de s’étendre à l’ensemble du pays.
Manifestations contre la vie chère
IRIN
nouvelles et analyses humanitaires
ABIDJAN, 1 avril 2008 (IRIN) – Au moins une dizaine de manifestants ont été blessés au cours d’affrontements avec la police qui ont duré plusieurs heures, le 31 mars, alors qu’ils réclamaient l’intervention du gouvernement pour freiner la hausse du prix des denrées alimentaires.
« Nous avons déjà recensé huit blessés à l’hôpital de Yopougon et quatre autres à Cocody », a expliqué à IRIN Thomas Kacao de l’Association des consommateurs de Côte d’Ivoire (ACCI), l’une des organisations de la société civile à l’origine de la marche.
La manifestation s’est déroulée à Cocody, le quartier où se situe la résidence du président ivoirien Laurent Gbagbo, et à Yopougon, un quartier commerçant très animé la nuit.
La police ivoirienne a fait usage de grenades lacrymogènes et de matraques pour disperser les manifestants, qui ont incendié des pneus et renversé des véhicules en stationnement.
Au plus fort de la manifestation, avant que la police antiémeute ne commence à lancer des grenades lacrymogènes, quelque 1 500 manifestants scandaient : « Nous avons faim, mettez un terme à nos souffrances », ou encore « La vie est trop chère, vous allez nous tuer ».
« Le kilo de viande de bœuf est passé de 700 francs CFA (1,68 dollar américain) à 900 francs CFA (2,16 dollars américains) en trois jours », a affirmé à IRIN Amélie Koffi, une manifestante. « Dans le même temps, le prix du litre d’huile est passé de 600 francs CFA (1,44 dollar) à 850 francs CFA (2,04 dollars) ».
« Nous ne mangeons qu’une fois dans la journée, maintenant », s’est désolée Alimata Camara, une autre manifestante. « Si les prix de la nourriture augmentent encore, mais que va-t-on donner à manger à nos enfants pour qu’ils aillent à l’école ? ».
Selon M. Kacao, l’ACCI a constaté une hausse « interminable » du prix des denrées de base au cours des trois derniers mois. Pour certains produits, les prix ont grimpé de pas moins de 30 ou 60 pour cent d’une semaine à l’autre.
« Lorsque les femmes se rendent au marché, elles ne cessent de se plaindre de l’augmentation des prix des produits. Aujourd’hui, avec 2 000 francs CFA (4,80 dollars américains), elles ne peuvent pas nourrir dans la journée une famille de cinq personnes », a déploré M. Kacou.
Pour Marcellin Kpangui, qui a créé une nouvelle organisation non-gouvernementale (ONG) appelée Non à la vie trop chère, l’augmentation du coût des denrées alimentaires en Côte d’Ivoire est due à la hausse du prix du pétrole, qui est répercutée sur les consommateurs.
« Plusieurs fois, nous avons interpellé les gouvernants [pour qu’ils fassent quelque chose], mais nous avons l’impression qu’ils sont plus sourds qu’avant », a affirmé M. Kpangui.
IRIN a souhaité recueillir la réaction du ministère du Commerce, à qui les critiques de l’ONG de M. Kpangui étaient adressées, mais celui-ci s’est refusé à faire le moindre commentaire.
Un membre du cabinet du ministre a néanmoins confié à IRIN : « Je pense que le gouvernement va intervenir à la télévision dans les heures qui viennent pour calmer les foyers ».
Yacouba Fandio, chauffeur de taxi à Abidjan, a affirmé que, comme beaucoup de gens en ville, il souhaitait prendre part aux manifestations, mais qu’il n’en avait pas encore eu l’occasion.
« À chaque fois qu’ils ont annoncé des manifestations contre la cherté de la vie, des personnes se sont désistées à la dernière minute. Cette fois, la manifestation va être totale pour se faire entendre du [gouvernement] », a-t-il déclaré.
Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), la hausse mondiale du prix du carburant, l’augmentation de la demande en produits alimentaires sur les marchés, plus riches, d’Asie et d’Amérique latine et la demande croissante en biocarburant sont à l’origine de la hausse du prix des denrées alimentaires dans le monde.
Jusqu’à présent, l’instabilité la plus grande, résultant de cette hausse des prix a été ressentie en Afrique de l’Ouest, une région qui compte bon nombre des pays les plus pauvres de la planète.
Au Sénégal et en Mauritanie, la hausse du prix des produits faits à base de blé et de riz importés avait provoqué des manifestations à la fin de l’année 2007.
Le 30 mars, de nouveaux affrontements ont eu lieu entre les manifestants et les forces de l’ordre dans la capitale sénégalaise, et la police a suspendu temporairement la diffusion d’une chaîne de télévision qui retransmettait en direct la répression policière des manifestations.
Au Cameroun, les manifestations contre la hausse des denrées alimentaires qui se sont déroulées fin février avaient donné lieu à des scènes de violence, et au Burkina Faso, cette année, des manifestations semblables ont eu lieu dans toutes les grandes villes et des centaines de manifestants ont été arrêtés.










