TACHELES : la fin

Le Tacheles de Berlin ferme boutique

LE MONDE | 24.01.08 |

C’est la fin d’une aventure. Pourtant, en dehors des intéressés, l’annonce par la presse de la fermeture, prévue le 31 décembre 2008, du plus célèbre squat d’artistes de la capitale allemande, le Tacheles, ne semble pas avoir ému quiconque à Berlin. On est loin des pétitions passionnées de Berlinois qui, dans les années 1990, tentaient de sauver ce lieu devenu symbole de la vie alternative de la capitale réunifiée.

L’édifice, atypique, voire inquiétant – réchappé des bombardements alliés de 1943 -, est une sorte de ruine sur cinq étages, restaurée par endroits, couverte de tags à d’autres. Ce vestige de l’époque où le bâtiment était un grand magasin – dans les années 1920 – va donc se plier aux nouvelles normes de son quartier, l’arrondissement de Mitte, au coeur de Berlin. C’est-à-dire être intégré à un complexe immobilier de haut standing, avec bureaux, immeubles d’habitation et hôtel de luxe. Flanqué d’un immense terrain vague actuellement transformé en « jardin de sculptures », l’endroit, d’une superficie globale de 3 hectares, se prête idéalement aux investissements les plus ambitieux. Aussi son propriétaire, le groupe immobilier Fundus, a-t-il annoncé la fin du contrat qui depuis dix ans permettait à l’association Tacheles e. V de louer les lieux pour 1 mark symbolique puis 50 centimes d’euros par mois. Place au commerce. Pourtant, Tacheles e. V ne se dit pas encore vaincue. « Nous négocions actuellement avec Fundus, indique son responsable, Martin Reiter. Et sommes très optimistes quant à la reconduction du contrat pour la période 2008-2020. »

En fait, l’association espère concilier ses aspirations et celles de son propriétaire, en faisant voisiner le Tacheles préservé et l’ensemble architectural dont rêve Fundus. Une solution qui pourrait, par ailleurs, convenir au groupe immobilier, le Tacheles étant classé monument historique et donc difficilement métamorphosable. Le compromis tendrait toutefois à accentuer un travers depuis longtemps dénoncé par l’avant-garde berlinoise : le Tacheles, victime de son aura internationale, est visité chaque été par des flots de touristes qui arpentent sa trentaine d’ateliers avant d’acheter des produits « artistiques ». Le lieu a perdu son âme frondeuse : celle qui multipliait performances et happenings, au lendemain de la chute du Mur, et provoquait régulièrement des descentes de police. Le Tacheles risque de redevenir le lieu qu’il était au départ : un grand magasin.

Lorraine Rossignol

~ par Alain Bertho sur 24 janvier 2008.