Villiers le Bel 3

Les zones d’ombres de Villiers-le-Bel

20 minutes

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Que s’est-il passé?

A 17h10 dimanche, une voiture de police dans laquelle se trouvent trois agents percutent une mini-moto conduite par deux adolescents de 15 et 16 ans, non casqués et inconnus des services de police. Ce type de véhicule n’est pas homologué pour circuler sur la voie publique. Selon la préfecture du Val d’Oise, l’accident serait dû à un refus de priorité, au niveau d’une intersection sans feu rouge sur la rue Louise-Michel, de la part de la moto qui roulait «très vite». La voiture de police, toujours selon la préfecture, roulait «entre 40 et 50 km/h sans gyrophare» et exécutait une «patrouille» et non pas une intervention. «En traversant le carrefour, elle a été heurtée par la moto sur l’aile gauche. Les deux jeunes sont décédés sur place.»

Pour les jeunes sur place, il s’agit d’une «bavure», sans aucun doute. Beaucoup pensent que les policiers ont souhaité «tamponner» la moto.

Pourquoi les impacts sur les véhicules sont-ils troublants?

Selon un journaliste de l’AFP, la voiture, qui a eu le pare-brise éclaté, portait les traces d’un violent choc frontal. Selon les constatations d’un journaliste du «Monde», présent sur les lieux un peu plus de deux heures après l’accident, des traces au sol montreraient que la moto a été traînée sur plus de vingt mètres. La voiture de police s’est, elle, immobilisée une quinzaine de mètres après l’impact. Son avant a été défoncé et son pare-choc arraché. La motocross semble, au contraire, peu abîmée. (voir le diaporama) Les circonstances de l’impact restent floues: pourquoi la voiture, heurtée par la gauche, est-elle aussi démolie à l’avant?

Des secours tardifs?

Des pompiers sont arrivés sur place pour prodiguer les premiers soins aux adolescents mais n’ont pu que constater le décès des deux jeunes gens. Selon certains témoins, ils auraient mis dix minutes pour arriver, selon d’autres «un temps extrêmement long». Le rapport de l’IGPN évoque une durée de neuf minutes et trente secondes, selon nos informations.
Autre point polémique, le comportement des policiers impliqués dans l’accident. Lundi matin, le frère de l’une des victimes a assuré sur France Info qu’«il n’y avait aucun policier» lorsque les pompiers sont arrivés sur les lieux de l’accident. Selon certaines versions, ils auraient pris peur de l’agitation ambiante.

Selon des témoins, les policiers, hagards, sont bel et bien restés mais sans intervenir pour aider les jeunes. L’IGPN écarte, elle, toute «faute grave»: les policiers seraient restés sur place et n’auraient été évacués par leurs collègues que bien plus tard, après que les deux corps ont été déplacés par les pompiers.

Secourir des personnes accidentées fait-il partie des missions d’un policier?
En France, selon la loi, tout individu est censé venir en aide à une personne en danger. Cela s’applique d’autant plus aux policiers que cela fait partie du règlement général de l’emploi de la police nationale, indique un syndicat policier à 20minutes.fr. Un policier peut donc être poursuivi pour non-assistance à personne en danger à la fois pénalement – comme tout le monde – et administrativement. Mais si chaque policier a un brevet de premier secours, il n’a aucune formation spécifique pour venir en aide aux accidentés. Selon notre source, la mission d’un policier consiste avant tout, en cas d’accident, à appeler les secours et à sécuriser la zone. Ce que les policiers auraient fait, selon l’IGPN.

 

A.Sulzer et S.Cochard

Une marche pour les ados de Villiers-le-Bel

Une marche en l’hommage des deux adolescents tués, Omar-Mohcine et Larani, était organisée, lundi en début d’après-midi.

Selon Nordine Nabili, journaliste du Bondy Blog présent sur place, elle a rassemblé 200 à 300 personnes, essentiellement des jeunes. «La marche s’est faite dans le calme, les participants étaient très encadrés par des grands frères, âgés entre 25 et 30 ans, raconte-t-il. Une grande émotion émanait du cortège, une certaine tension aussi.» Selon lui, les policiers n’étaient pas présents.

…/… Le reportage complet sera publié sur le Bondy Blog, lundi soir.

Au lendemain de l’accident qui a coûté la vie aux deux jeunes de 15 et 16 ans, l’heure est à la rumeur. «Certains pensent que les policiers ont volontairement visé les deux jeunes, affirme Nordine Nabili. Parmi les autres informations qui circulent, celle comme quoi ils étaient issus de famille parfaitement intégrées, qu’ils n’avaient jamais connu d’ennui avec la police et que ce soir-là, il rentraient d’un champ hors de la ville où ils s’étaient rendus pour faire de la moto.»

«Calme précaire»

Lundi, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a écarté la responsabilité des policiers dans l’accident. Le matin, le maire socialiste de Villiers-le-Bel, Didier Vaillant, a lancé un appel au calme. «J’appelle l’ensemble des habitants et notamment les jeunes à ce que nous puissions retrouver le calme dans notre ville. Depuis hier, nous sommes en deuil, cette nuit, la ville a souffert». Selon la préfecture de police, un «calme précaire» régnait lundi dans la ville et les communes voisines, après les violences de la nuit.

M. Bureau / AFP ¦ La moto des deux victimes de l’accident à Villiers-le-Bel (Val d’Oise).

document.getElementById(« legendePhotoVisible »).innerHTML = document.getElementById(« legendePhotoInVisible »).innerHTML; Sa. C.

Le spectre de 2005, les armes en plus

20Minutes.fr, éditions du 26/11/2007 – 16h44

Mercredi 28 novembre

«Nous approchons de la catastrophe», selon le syndicat Unsa-Police, plutôt réputé à gauche. Les violences extrêmes des dernières nuits, à Villiers-le-Bel (Val-d’Oise) ainsi que dans des communes environnantes, nourrissent la peur d’un redémarrage des émeutes en banlieue, bien plus fort cette fois qu’en novembre 2005.

Beaucoup de blessés

Illustration la plus frappante de ce nouvel embrasement: quatre-vingt-deux policiers ont été blessés, dont quatre par balles, rien que pour la deuxième nuit d’émeutes lundi. En 2005, pendant les trois semaines d’émeutes, quelque deux cents blessés avaient été dénombrés, toutes populations confondues et pour la France entière.

Policiers en ligne de mire

Les quatre policiers touchés ont été blessés par des tirs de plombs de chasse 6 mm. «Depuis des mois, la police dans les cités est systématiquement harcelée, mais c’est la première fois qu’on tire délibérément sur des forces de l’ordre. Pendant les émeutes de 2005, un car de CRS avait été touché par un tir de 9 mm à La Courneuve, mais c’était plus le véhicule qui était visé», explique un représentant des Renseigne­ments généraux en région parisienne. Patrick (le prénom a été changé à sa demande), policier depuis plusieurs années en Seine-Saint-Denis, constate «tous les jours» cette montée de la «haine du flic». «Il y a une envie de se faire un policier. Jusqu’à présent, on y a échappé parce que les armes à feu ne sont heureusement pas si répandues que ça en banlieue, parce qu’on a eu de la chance et parce qu’aussi les jeunes hésitent. C’est plus facile de tuer devant sa console de jeux que dans la réalité», estime-t-il. Mais le risque existe. «Il n’est pas exclu qu’un policier soit tué un de ces jours», lâche en off un responsable haut placé dans la police.

Groupes organisés

Les émeutiers de Villiers-le-Bel semblent agir de manière plus cadrée qu’en 2005. Certains même, selon Le Monde, avaient une tenue de CRS avec casque et bouclier. Des leaders semblaient aussi diriger les actions, dont certaines étaient filmées par des téléphones portables. « Ce ne sont pas des groupes organisés militairement, avec plan d’attaque au tableau noir. Mais, sur le terrain, des chefs naturels se dégagent et entraînent ensuite les autres », explique un policier. Certains y voient aussi le reflet des bandes orga­nisées dans le trafic de drogues. «Le business est très hiérarchisé, avec les plus jeunes qui chouffent [font le guet], les plus violents qui protègent et les leaders qui restent en retrait. Le cas échéant, ces groupes peuvent basculer dans les violences urbaines», analyse ce représentant des RG.

Violences même le jour

Jusqu’à présent, les violences se déroulent surtout à partir de la tombée de la nuit. Mais les policiers témoignent d’actes agressifs toute la journée. «Même tôt le matin, il n’est plus rare de se prendre une pierre ou un sac-poubelle sur la voiture», explique Patrick. Sans parler des insultes «quotidiennes». «Par mimétisme avec les grands, on croise maintenant des enfants de 6 ans qui nous font des bras d’honneur», confie ce policier.

Dialogue social rompu

Difficile de parler avec la plupart de ces jeunes. «On a cassé le lien social et on galère pour le renouer, explique un policier. Aujourd’hui, il est impossible pour la police de discuter avec les habitants dans certaines cités. Pour les uns, nous ne sommes pas assez sévères avec les voyous, pour les autres, nous sommes des nazis. Va dialoguer…».

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B. Bonnefous

~ par Alain Bertho sur 27 novembre 2007.