Villiers le Bel 1

Les médias comme cible à Villiers-le-Bel

Le Monde

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LE MONDE | 01.12.07 | 15h53

Les violences urbaines déclenchées en début de semaine à Villiers-le-Bel (Val-d’Oise) après la mort de deux adolescents, renversés par une voiture de police, ont montré que la poudrière des banlieues était restée intacte depuis les émeutes de 2005 en Seine-Saint-Denis.

Mais, cette fois-ci, comme l’ont souligné les syndicats de policiers et les journalistes présents sur place, c’est le niveau de la violence qui est monté d’un cran : une centaine de blessés parmi les forces de l’ordre, dont plusieurs policiers touchés par des fusils à grenaille, et une grande hostilité des jeunes envers les médias, considérés comme des « intrus », voire des supplétifs de la police.

Agressions verbales et physiques, vols de matériel, menaces : les journalistes présents pendant les deux nuits d’affrontements ont dû faire preuve de beaucoup de prudence. Ainsi, dès le dimanche soir 25 novembre, Luc Bronner, reporter au Monde, s’est fait agresser par un groupe de jeunes.

Premier journaliste de presse écrite arrivé sur les lieux de l’accident, il raconte : « Je suis rentré dans la cité vers 19 h 30 avec ma voiture. Il y avait une centaine de jeunes cagoulés, dont certains armés de barres de fer qui mettaient le feu à des voitures. En m’approchant, j’ai croisé le regard de l’un d’eux. Il est venu me voir et, lorsque je lui ai dit que j’étais journaliste, il m’a fermement dit de dégager. Puis il m’a pris par le col de mon blouson et m’a poussé. Un autre jeune est arrivé et m’a donné un violent coup de pied dans le thorax. Je me suis dégagé et je suis parti en courant. Ils ne m’ont pas poursuivi. »

Le lendemain, c’est au tour d’une équipe de France 3 Ile-de-France de se faire voler sa caméra. Noé Salemn, journaliste reporter d’images, est violemment frappé et traîné à terre. « Nous sommes arrivés vers 14 heures sur les lieux de la collision. Il y avait un groupe de jeunes, raconte-t-il. On a commencé à faire des interviews. Une personne plus agressive est arrivée ensuite, entourée d’une petite dizaine d’autres, venues exclusivement pour voler la caméra. J’ai résisté, ils m’ont traîné sur 5 ou 6 mètres en me donnant des coups au visage, à l’oreille, aux cervicales, au genou, sur les reinsAu bout d’un certain temps, j’ai dû lâcher la caméra, et ils sont partis avec. » Le journaliste a plusieurs ecchymoses et a déposé plainte pour agression. Toujours lundi soir, deux journalistes de LaTélélibre, une télévision diffusée sur le Net et dirigée par John Paul Lepers (ex-Canal +), ont été blessés. L’un a eu une phalange fracturée et l’autre huit points de suture au cuir chevelu.

Par ailleurs, un journaliste du Parisien, un du gratuit 20 minutes et deux autres reporters du Monde ont été menacés ou se sont fait voler leurs téléphones portables. « Donne ton portable ou sinon on t’emmène dans la cave », a intimé un groupe de jeunes cagoulés et munis de matraques de CRS à un des reporters du Monde.

Pour les télévisions, il n’a pas été possible de filmer les affrontements, sinon de très loin. « Nous disposons de moyens de direct extrêmement coûteux et, pour ne pas les mettre dans la poudrière, nous les installons à quelques kilomètres », confie Paul Nahon, directeur de l’information de France 3.

« Le temps béni où la carte de presse était une protection est révolu. Maintenant, il vaut mieux la cacher, note Hervé Chabalier, PDG de l’agence Capa. Le métier de journaliste a toujours été dangereux dans toutes les zones de conflits, quels qu’ils soient, car le journaliste est devenu une cible et parfois une monnaie d’échange. » Il ajoute : « Nous sommes perçus comme un pouvoir, des nantis, des privilégiés qui ne seront jamais de leur côté. Ces jeunes connaissent parfaitement les médias à travers la télévision, et ils estiment que nous parlons d’un monde qui n’est pas le leur. »

Même analyse pour John Paul Lepers, le directeur de la rédaction de LaTélélibre : « Ces jeunes en colère ont un sentiment de trahison, car les médias dominants, notamment la télévision, reprennent sans sourciller la version de la police. Ce fut le cas à Clichy-sous-Bois en 2005. Ils assimilent donc les médias dans leur ensemble à Sarkozy et aux puissances d’argent qui gèrent les médias. Il y a une haine qui monte dans ces quartiers face à ce qu’ils perçoivent comme une collusion politico-médiatique », explique le journaliste. Une collusion qui, selon lui, passe par le prisme des « médias dominants« , à savoir TF1 et France 2, seules références des jeunes des cités en matière d’information.

Paul Nahon se souvient que, lors des violences de 2005, il avait décidé que les journaux nationaux de France 3 n’annonceraient plus le nombre de voitures brûlées chaque nuit. « Quand j’ai pris cette position, j’ai été un peu critiqué, mais ce qui m’a fait réagir, c’est l’affaire de Mama Galledou, cette jeune femme brûlée dans un bus à Marseille. Les jeunes incendiaires du bus ont dit qu’ils voulaient faire comme à Paris, ils avaient vu les images, a-t-il confié à l’AFP. Il existe une fascination pour la caméra, il faut l’éviter, et nous avons une vraie responsabilité. »

A Capa, la consigne est donc de « travailler autrement », explique le patron de l’agence qui a envoyé, dès le début des affrontements, trois équipes sur place pour tourner « un document d’urgence » de 52 minutes dont la diffusion est prévue sur France 5 le 13 janvier. « Nous ne sommes pas dans la même configuration que nos confrères des journaux télévisés, qui doivent fournir des images le plus rapidement possible pour les éditions », souligne Laurent Delhomme, rédacteur en chef à Capa.

Depuis les émeutes de 2005 en Seine-Saint-Denis, la rédaction de Capa a noué des liens avec des jeunes des quartiers, à qui elle a confié une caméra pour filmer leur vie « de l’intérieur ». « Nous les avons vraiment impliqués dans notre travail, ils sont rémunérés comme des pigistes et un climat de confiance s’est donc instauré rapidement », explique M. Delhomme, qui a pu constituer pour ce tournage une équipe « 100 % banlieue ».

L’autre nouveauté de ces violences urbaines est l’apparition de « fixeurs » pour guider les journalistes dans ces zones sensibles de banlieue. Jusqu’à maintenant, cette appellation était réservée aux accompagnateurs des envoyés spéciaux dans les zones de guerre, et particulièrement en Irak.

Connaisseurs du terrain et des habitants, ces « fixeurs » rémunérés servent aussi de chauffeurs et d’interprètes. A Villiers-le-Bel, ils ont fait leur apparition sous le sigle de « Respect sécurité », une équipe de quarante personnes mobilisables à tout moment pour « assurer la sécurité des reporters télé », moyennant rémunération (Le Monde du 30 novembre). « C’est malheureusement une réalité que l’on retrouve dans les banlieues, regrette Hervé Chabalier, mais il est hors de question de les utiliser, car, pour nous, il n’y a pas de droit de péage pour travailler. »

Mardi 27 novembre, le calme régnait à Villiers-le-Bel. Les jeunes et les « fixeurs » étaient rentrés chez eux. Près de 1 000 policiers quadrillaient la ville, aidés par des hélicoptères équipés de puissants projecteurs. Autour des CRS, des gradés et des camions remplis de matériel, une centaine de journalistes français et étrangers ont attendu, en vain, l’étincelle. Faute de mieux, ils ont filmé et photographié les CRS harnachés et impassibles, tendu leurs perches pour « faire du son » et noté que « tout était calme ». Jusqu’à la prochaine fois.

Daniel Psenny

Article paru dans l’édition du 02.12.07.

Villiers-le-Bel : la thèse de la voiture de police vandalisée contredite par une vidéo

LE MONDE | 28.11.07 | 11h15

Cet élément est un des arguments avancés par la police (Le Monde du 28 novembre) pour appuyer la thèse d’une voiture circulant à faible allure et percutée par la mini-moto à l’avant gauche.

La vidéo, que Le Monde a pu visionner une première fois dimanche 25 novembre, vers 20 h 30, puis à nouveau, en détail, mardi 27 novembre, met à mal cette hypothèse.

Les images tournées quelques minutes après l’accident montrent un véhicule sérieusement endommagé, ce qui correspond aux photos publiées dans la presse. Elles vont dans le même sens que les déclarations de témoins qui disent avoir protégé le véhicule de toute exaction pour faciliter l’enquête.

L’auteur du film, que nous avons rencontré, souhaite rester anonyme. Désireux de faire la lumière sur l’accident, il a néanmoins transmis le document à Yassine Belattar, animateur sur la radio Générations 88.2, proche des familles des victimes, qui nous a autorisé à le copier pour pouvoir l’analyser.

Le cinéaste amateur dit avoir été averti « quelques minutes après les faits ». Il est aussitôt descendu de son appartement situé à proximité immédiate des lieux. Il dit avoir commencé à filmer « très peu de temps » après l’accident, signalé aux pompiers à 17 heures, selon l’horaire communiqué par la procureure de Pontoise, Marie-Thérèse de Givry. Il dit avoir commencé à filmer entre 17 h 15 et 17 h 20.

La vidéo, de qualité correcte, montre des habitants qui regardent les pompiers en intervention. Ces derniers prodiguent des massages cardiaques aux deux victimes. Des policiers sont présents.

Après quelques minutes, on voit arriver un véhicule du SMUR de Gonesse. Or, selon le SAMU du Val-d’Oise, averti de l’accident à 17 h 03, le camion d’intervention médicale est parti à 17 h 08 de l’hôpital de Gonesse qui se trouve à 5 kilomètres du lieu de l’accident, soit à 10 minutes environ en respectant les vitesses maximales. Selon nos calculs, le SMUR serait donc arrivé vers 17 h 18.

A cet instant, la position du véhicule, à cheval sur la chaussée et sur le trottoir, correspond très exactement à celle observée sur les photos de presse. La vidéo, qui montre le véhicule à de nombreuses reprises et sous plusieurs angles, permet de constater très clairement que le véhicule se trouve dans le même état que sur les premières photos publiées.

Dans les deux cas, le capot, tordu, remonte sur la partie droite, le pare-brise avant est étoilé et enfoncé vers l’intérieur du véhicule, le pare-chocs avant est arraché, ainsi que le phare avant droit.

LE POMPIER CONFIRME SA VERSION

Une vidéo amateur contredit l’une des affirmations de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) sur l’accident entre un véhicule de police et une mini-moto, dimanche 25 novembre à Villiers-le-Bel, qui est à l’origine des deux nuits d’émeutes.

Selon l’IGPN, chargée d’enquêter sur les circonstances de la collision, les images parues dans la presse montrant le véhicule avec l’avant défoncé et le pare-brise étoilé ne traduisaient pas la violence du choc mais s’expliquaient par des dégradations commises à coup de barres de fer après l’accident.

Cet élément est un des arguments avancés par la police (Le Monde du 28 novembre) pour appuyer la thèse d’une voiture circulant à faible allure et percutée par la mini-moto à l’avant gauche.

La vidéo, que Le Monde a pu visionner une première fois dimanche 25 novembre, vers 20 h 30, puis à nouveau, en détail, mardi 27 novembre, met à mal cette hypothèse.

Les images tournées quelques minutes après l’accident montrent un véhicule sérieusement endommagé, ce qui correspond aux photos publiées dans la presse. Elles vont dans le même sens que les déclarations de témoins qui disent avoir protégé le véhicule de toute exaction pour faciliter l’enquête.

Reste l’hypothèse de dégradations commises entre le moment de l’accident et le début de la vidéo. Or, les policiers affirment que les victimes n’ont jamais été laissées seules : présents sur place, ils auraient donc signalé d’éventuelles dégradations sur leur véhicule, ce qu’ils n’ont pas fait. Des dégradations survenues à ce moment supposeraient aussi que des jeunes se soient munis de barres de fer dans ce laps de temps et qu’ils s’en soient pris à la voiture alors que les deux adolescents gisaient au sol à proximité.

La vidéo montre aussi que les secours se déroulent dans un contexte relativement calme, au moins pendant la première partie. La tension semble monter vers la fin du film mais ne se traduit pas par des actes de violence.

Interrogés par Le Monde, la police et le ministère de l’intérieur maintiennent la version de l’IGPN selon laquelle, « probablement », le véhicule de police a été volontairement dégradé après l’accident. L’enquête ne cite pas de témoins directs de ces coups éventuels portés contre la voiture, mais s’appuie notamment sur le témoignage d’un major-pompier de Villiers-le-Bel, le premier responsable à être intervenu sur les lieux de l’accident.

Ce dernier a été entendu lundi soir par la police. Joint par Le Monde, il n’a pas souhaité donner son nom mais réitère sa déposition : « La première réflexion que je me suis faite quand j’ai vu les photos de la voiture de police parues dans la presse, c’est qu’elle n’était pas aussi dégradée quand je suis intervenu. Elle n’était pas dans l’état que j’ai vu sur ces photos. Le capot était certes abîmé, le pare-brise et la calandre gauche aussi mais du côté droit, ça tenait encore. »

Le sapeur-pompier insiste : « Le véhicule ne ressemblait pas aux images, ça n’avait rien à voir. Quand je les ai vues, j’ai été choqué. » L’expert technique mandaté pour déterminer le point exact de l’impact, lui, n’a pas encore rendu ses conclusions.

Luc Bronner et Isabelle Mandraud

Banlieues : scènes de guérilla urbaine à Villiers-le-Bel

LE MONDE | 27.11.07 | 08h48 • Mis à jour le 27.11.07 | 12h02

 

 

 

Ca sent le gaz lacrymogène, le plastique brûlé et la rage. Celle d’une centaine de garçons bien organisés, qui disent vouloir « buter » le moindre « Schtroumpf » – le moindre policier. Lundi 26 novembre, entre 19 h 30 et 22 h 45, cinq rues de la ZAC et du Puy, à Villiers-le-Bel, dans le Val-d’Oise, là où, la veille, deux jeunes garçons de 16 et 15 ans, Larami et Mouhsin, sont morts dans le choc de leur mini-moto contre une voiture de police, ont rejoué des scènes d’une extrême violence.

Restés invisibles tout l’après-midi, les policiers se sont postés en masse, en fin de journée, devant la gare du RER D, après l’incendie d’un camion poubelle. A peine les premiers lampadaires allumés, les jeunes attaquent avec des pavés, des feux d’artifice et des pétards « mammouth » – les plus gros.

Dès qu’un policier est touché, les garçons fêtent ça, les bras levés au ciel. Même cri de victoire quand ils reculent. Ils se hissent sur les toits des voitures, ils se prennent en photo avec les téléphones portables. « Attraper un flic », un « keuf », un « porc » : pendant trois heures, une poignée de meneurs répètent ces mots d’ordre : « Restons groupés! », « Solidaires, les gars ! ». Et les émeutiers, disciplinés, suivent les consignes.

Les « petits » – certains n’ont même pas 10 ans – jouent les éclaireurs. Ils débusquent les policiers et jettent des cocktails Molotov; les plus grands veillent à ce que la voie soit libre. Pour enflammer voitures et magasins, ils se ravitaillent aux réservoirs de trois voitures du « 95 », où sont remplis les jerricans puis les bouteilles de verre. Un gaillard en survêtement noir, talkie-walkie branché sur une fréquence de la police, guide l’équipe.

La troupe sait qu’il ne sert à rien d’attaquer la mairie : elle a fermé ses portes. Le conseil de crise des élus se tient ailleurs, dans un lieu tenu secret.

DES FEMMES JETTENT DE L’EAU DU BALCON

« Anelka ! ». Ils se donnent des surnoms de footballeurs, d’animaux (« chameau ») ou de héros de télé (« Frelon », alias Bruce Lee). Ils cachent aussi leurs visages. Echarpes haut sur le nez, capuches, et même, pour certains, tenues de CRS, avec matraque et bouclier. Un ami, caméra numérique montée sur pied, filme chaque pavé lancé, dans chaque voiture brûlée. Quand certains s’y croient et s’attardent trop devant l’objectif, les meneurs sermonnent : « Oh les gars, c’est pas du cinéma, c’est la guerre ! »

« Allez les frères! », encourage-t-on sur le trottoir, où les anciens, médusés de tant de violence, sont descendus regarder le spectacle, tandis que d’autres tentent de sauver leur voiture. Certaines femmes jettent de l’eau du balcon de leur HLM pour soulager les yeux rougis de leurs « fils ». Quand la police charge, certains étages n’hésitent pas à la « caillasser ».

Au sol, toute arme est bonne à prendre : des multiprises, une épée, un fusil à pompe… Mais la plupart se battent avec des bâtons en bois ou des barres de fer chipées dans les chantiers. On s’approvisionne en bouteilles dans les silos de recyclage du verre. Panneaux d’affichage électoral ou de signalisation, poteaux, arbres servent d’arme ou de bouclier. Des coins entiers se retrouvent dans le noir, comme l’avenue du 8-mai-1945. Parfois, un coup de pied dans les lampadaires crée un court-circuit.

Tas de pierres et de poubelles bloquent certaines routes, comme des check-points de fortune. « La guerre, c’est ça mon pote. C’est faire tourner en rond l’ennemi », lance un meneur, s’improvisant général. Comme la veille, certains magasins, certaines concessions automobiles passent à travers les flammes : avant de mettre le feu, on discute.

« Celui-là, il est à la famille », crie une jeune voix devant le pressing du 8-mai-1945. La bibliothèque Louis-Jouvet, le supermarché Aldi, le salon de coiffure, l’auto-école ont moins de chance : pillés et incendiés pour le dernier par un gamin âgé d’à peine 13 ans. « Faut brûler nos amendes », lâchent-ils en chœur. C’est chose faite à 22h30, lorsque « les impôts » prennent feu.

La jeunesse de Villiers est dehors depuis longtemps. L’après-midi, on a photocopié à la hâte les portraits des deux adolescents « morts pour rien » : le même cri de ralliement qu’après le drame de Clichy-sous-Bois, en octobre 2005, lorsque deux jeunes gens avaient trouvé la mort dans un transformateur électrique. Les collèges et les lycées se sont donnés le mot pour une « marche silencieuse » – si l’on peut dire : dans cette ville proche de Roissy, c’est rare qu’un long-courrier laisse la ville tranquille. Elèves et grands frères, bonnets ou capuches, sacs à dos sur lesquels ils ont fièrement écrit, au Tipp-Ex, le nom de leur cité, entre trois « killer » et deux « fuck the cops », une masse défile.

Frères, sœurs et copains expliquent : « Les policiers n’avaient pas à partir, on aurait laissé passer les secours! » Un grand râle : « Vous allez voir qu’ils vont lancer le débat sur les mini-motos, pour faire diversion. Mais est-ce qu’on fait une histoire quand à Neuilly un cavalier ne porte pas de casque ? »

Dans la foule tendue et sans larmes, on compte aussi quelques profs, bouleversés, mais un seul élu, sans écharpe, – Rachid Adda, conseiller régional (MRC) d’Ile-de-France – et des responsables associatifs, atterrés par ce nouvel épisode de guerre entre jeunes et police. « Moi j’ai vécu Charonne, le 17 avril 1961. Mais la police, ça restait quand même police secours , rumine ce fonctionnaire de mairie. Aujourd’hui, mes enfants je leur dis : quand tu vois la police, tu t’enfuis . »

Ariane Chemin et Mustapha Kessous

 

Echauffourées à Villiers-le-Bel après la mort de deux adolescents

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 25.11.07 | 21h05 • Mis à jour le 26.11.07 | 10h01

Ce violentes échauffourées ont éclaté dimanche soir 25 novembre à Villiers-le-Bel, au nord de Paris, après la mort de deux adolescents dans une collision avec une voiture de police.

Le bureau de police de la ville a été incendié et celui d’une commune attenante, Arnouville, a été saccagé, a-t-on appris auprès de la préfecture du Val-d’Oise. Un garage de Villiers a également brûlé et deux départs de feu ont été éteints dans un garage voisin et une station-service.

Une vingtaine de véhicules et de nombreuses poubelles ont été incendiées non loin du lieu de l’accident, près du quartier sensible de la Tolinette, selon le cabinet du maire de Villiers, une ville située à une vingtaine de kilomètres de la capitale et dont 40 % de la population a moins de 25 ans.

« CE QU’ATTENDENT LES HABITANTS, C’EST UNE ENQUÊTE CLAIRE »

Le maire (PS), Didier Vaillant, et le préfet du Val-d’Oise, Paul-Henri Trollé, se sont rendus sur place dans la soirée pour faire le point.

Le procureur de la République de Pontoise a ouvert une enquête et l’IGPN, la police des polices, s’est rendue sur les lieux, a-t-on appris de source judiciaire.

« Ce qu’attendent aujourd’hui les habitants, c’est une enquête claire qui établisse les faits »
, a indiqué le directeur de cabinet du maire, Nicolas Carrier.

A l’automne 2005, la mort de deux jeunes poursuivis par la police à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, avait provoqué trois semaines de violences urbaines sans précédent en France. A Villiers-le-Bel, « ce n’était pas une course-poursuite mais vraisemblablement un accident de la circulation », souligne-t-on à la direction centrale de la sécurité publique.

Devant les violences, d’importants effectifs de police ont été envoyés sur place, venant des départements voisins et de Paris. « On a une mise à profit immédiate d’une situation dramatique dans laquelle deux jeunes sont morts avec des dégradations et des vols, a déclaré à Reuters le directeur de cabinet du préfet. Il y a des petits groupes de casseurs qui ont commencé à piller les commerces. » Un jeune a été interpellé dans la soirée en possession de bijoux, a-t-il précisé.

UNE VERSION OFFICIELLE DE L’ACCIDENT CONTESTÉE

La préfecture fait état de sept policiers et un pompier légèrement blessés, mais un commissaire qui s’était rendu sur place en fin d’après-midi a dû être hospitalisé avoir avoir été passé à tabac par un groupe de jeunes. Il souffre d’un traumatisme facial important, a-t-on précisé de source policière.

Selon la préfecture, les deux jeunes tués étaient âgés de 15 et 16 ans et circulaient sans casque sur une mini-moto. La collision s’est produite peu après 17 heures. Selon une source syndicale policière, les adolescents n’ont pas respecté la priorité – une version contestée par certains témoins de la scène. Plusieurs de ces derniers, interrogés par les médias, ont raconté que les policiers impliqués dans la collision ont rapidement quitté les lieux, laissant derrière eux la voiture et la mini-moto. Des habitants ont monté la garde autour des véhicules en début de soirée pour contribuer à l’enquête. « Dès qu’un policier se rend sur place, il est caillassé. Cela rend les constatations difficiles », a alors indiqué la préfecture.

Aux enquêteurs qui étaient présents sur les lieux de l’accident peu après minuit, des jeunes ont lancé : « Que la vérité soit faite ou on se fera justice nous-mêmes ! », « la vérité ou on va tous vous niquer ! ». D’autres ont demandé si les policiers qui conduisaient la voiture étaient en garde à vue ou s’ils avaient fait l’objet d’un alcootest. « L’enquête ne fait que commencer, laissez-nous travailler », leur a répondu Paul Sevilla, de la sécurité publique du Val-d’Oise. Et de poursuivre : « Mon boulot, c’est que l’enquête soit menée et que la vérité soit faite. »

~ par Alain Bertho sur 27 novembre 2007.