Gare du nord témoins 23 mars 2007

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NOUVELOBS.


Mohamed, 30 ans

« J’étais pas loin, un copain m’a appelé pour me dire que c’était chaud, qu’il se passait des trucs dans la gare du Nord. Il était aux environs de 17 heures, quand je suis allé voir avec deux amis. On a vu un cordon de CRS et de policiers en civil dans le grand hall faisant face à une bonne centaine de jeunes soutenus par des passagers, des hommes, des femmes de tous âges. Ils se sont tenus en joue comme ça pendant près de trois heures. Les gens étaient de plus en plus nombreux, le bruit avait vite couru qu’un type avait été malmené, humilié pendant un contrôle, mais on ne savait rien de plus, il se disait même que c’était un mineur. Je suis resté pour tenter de calmer les jeunes, et parce que je trouvais la situation très dangereuse: les jeunes et les policiers étaient vraiment tendus, et les passagers, vieux et moins vieux, femmes et enfants continuaient de circuler.

Il y avait un type très grand, très costaud, que j’ai reconnu, un membre de la Tribu K, qui haranguait la foule, chauffait les gamins : « On est des victimes ! ». J’ai aussi vu une petite dame âgée, venue me demander ce qui se passait, je lui ai parlé du jeune contrôlé de façon violente, elle a aussitôt levé son poing, elle s’est dirigée vers les forces de l’ordre, et elle leur a dit « li-bé-rez le jeune, li-bé-rez le jeune ! ». Les jeunes, eux, criaient : « Sarkozy, fils de … » Et puis, les CRS ont chargé, et gazé. Tout le monde a pris.

Une autre charge nous a poussés vers les portiques qui conduisent au RER D. Là, les jeunes ont tout cassé. Moi, j’étais contre les pillages, je leur disais, « arrêtez, arrêtez ! Ca sert à rien, et en plus vous voyez pas qu’ils vous filment, les flics ! Arrêtez ! » Rien à faire… Le magasin Footlocker a été détruit par un seul gamin, tout seul, avec sa barre de fer. Il a cogné, il est rentré et je l’ai vu ressortir avec des survêtements plein les bras.

Mais le plus impressionnant, c’était les filles: elles avaient la rage, et elles étaient nombreuses, j’en ai vu une détruire toute seule le photomaton, une autre la machine à distribuer des boissons et des barres de chocolat toute seule aussi. Les charges étaient de plus en plus nombreuses, de plus en plus violentes. C’est là que j’ai pris un coup de colère. J’ai ramassé une pompe par terre devant Footlocker et je l’ai jeté sur les flics. Ils m’ont vu et je suis devenu leur cible. J’ai fait cinquante mètres en courant, mais ils m’ont rattrapé. Il était 20h15. Je me suis débattu, j’ai même arraché la matraque d’un flic. Et puis trois autres sont arrivés, je me suis retrouvé face contre terre, écrasé au sol, j’entendais un chien qui hurlait en me bouffant le crâne. Et puis ils m’ont traîné jusqu’au poste de la Gare du Nord, où je suis resté à peine cinq minutes avant qu’ils me transfèrent à rue Riquet, à la porte de la Chapelle, à l’USIT.

Pendant le voyage, dans la voiture, le policier assis avec moi à l’arrière me tapait dans les côtes avec le bout de sa matraque. A 20h40, j’étais rue Riquet, attaché à un banc. Après, ils m’ont mis à poil, m’ont demandé de m’accroupir pour un toucher rectal. Et puis, je leur ai signalé que j’étais diabétique, qu’il me fallait de l’insuline, parce qu’en période de stress, les risques de tomber dans le coma redoublent, et je les ai prévenus que je pouvais avoir des propos incohérents. Je leur ai expliqué que normalement, avant 21 heures, j’aurais du me piquer. Ils ne m’ont pas écouté, ils s’en foutaient. Ils m’ont jeté en cellule avec les autres, j’étais KO, j’avais besoin de manger au moins.

J’ai demandé mon repas. On ne me l’a jamais servi. Je suis resté 36 heures sans manger, ni boire une seule goutte d’eau. Et je n’ai ni de médecin ni d’avocat. Je sentais que j’allais de plus en plus mal, j’ai demandé mon insuline à plusieurs reprises. Ils m’ont transféré à 3 heures du matin dans la nuit de mercredi à jeudi au dépôt du palais de justice. J’ai des souvenirs troubles parce que j’allais vraiment très mal, là. Ils m’ont à nouveau déshabillé, à nouveau fait un toucher rectal. Je crois qu’ils pensaient que je simulais, ils trouvaient mon état étrange, j’avais du mal à parler.

Un médecin passait voir les prévenus, il m’a examiné, a testé mon taux de sucre dans le sang. La moyenne est normalement à 1,30 g par litre de sang après un repas. Moi, j’étais à 5g par litre de sang, là. Le docteur a aussitôt prévenu que mon état nécessitait une hospitalisation en urgence. Il a insisté. Et je sais qu’il y a seulement quelques dizaines de mètres du dépôt à l’Hôtel Dieu.

C’est pourtant à 9 heures du matin seulement que les policiers m’y ont conduit. Ils m’ont traîné jusque là-bas. J’ai été mis immédiatement sous perfusion. Ils m’ont soigné, et donné à manger. Il a fallu me réhydrater pendant quatre heures. Et puis, j’ai été ramené au dépôt, en cellule. Jusqu’à 19h30, j’ai regardé les autres partir aux comparutions immédiates, je les voyais revenir, en larmes. Le type qui est passé juste avant moi a pris quatre mois ferme pour avoir jeté une canette vide sur les policiers. Je me disais qu’avec ma basket, j’allais en prendre au moins autant que lui. Sauf que lui a dit qu’il avait agi « pour rigoler ». Moi, ce n’était pas mon cas.

J’ai expliqué que je trouvais que la police ne gérait plus du tout la situation, et que j’ai lancé la chaussure de colère, après avoir tenté de calmer les jeunes, et voyant que les flics ne cessaient de gazer tout le monde, alors qu’il y avait des passants. J’ai été condamné pour jet de projectile sur les forces de l’ordre à quatre mois de prison avec sursis. J’étais libre, jeudi, à 20h15.

Là ils m’ont proposé de me conduire à nouveau à l’hôpital, pour mon insuline. Je leur ai dit non, je voulais rentrer chez moi. »Propos recueillis par Elsa Vigoureux (le samedi 31 mars 2007)

 

LCI


Jean-Baptiste : « Je suis arrivé à la Gare du Nord à 18h40 par le RER E pour prendre mon train quotidien pour rentrer à Lille. Il y avait des vitrines endommagées dans le niveau inférieur de la galerie commerciale. Des objets avaient volé. Pour remonter vers la zone TGV, les voyageurs ont dû passer dans un étroit espace délimité par les CRS. Ensuite, j’ai pu atteindre un escalier qui n’était pas fermé pour rejoindre mon TGV sans retard à 18h55. La RATP n’a pas vraiment informé les voyageurs. Les lignes 4 et 5 ne desservaient plus la gare mais sans que la raison soit donnée. Pour savoir ce qui se passait vraiment, il fallait être devin.
Au moment où je suis passé, les CRS verrouillaient le périmètre. Ils ne chargeaient pas et filmaient les émeutiers, qu’ils avaient circonscrits dans le niveau inférieur de la galerie commerciale. En plus d’être nombreux, les policiers étaient calmes et réussissaient à éviter qu’il y ait mélange entre les émeutiers et les gens qui prennent leur transport, à un moment de la journée où il y a toujours foule. »

Mehdi : « Arrivée à gare du Nord, annonce haut parleur : « Les trains de la ligne 4 et 5 ne marquent pas l’arrêt à Gare du Nord ! » On voit un certain nombre de policiers, casqués, avec gilets pare-balles, flash-balls, lance-grenades lacrymogènes. Que se passe-t-il? Un attentat ? Une bagarre ? Une émeute ? Aucune information de la part des agents. On entend des sifflets, des cris mais on ne voit rien si ce n’est un attroupement. Certains prennent des photos avec leurs portables. »

David : « J’étais à la gare du Nord pendant les « affrontements« , et je suis dois dire que je suis choqué à la fois par le comportement violent des policiers et par le traitement médiatique de l’événement. On croirait que Paris est à sang et à feu, alors que les « émeutiers » n’étaient que des personnes outrées par le comportement des forces de l’ordre. »

Marc : « Moi j’en reviens, et ils ont essayé dehors de faire brûler un bus … A défaut, ils ont fait brûler le rond-point. Je suis passé en scooter à 10-12 mètres des flammes… »

Rmio : « J’étais moi aussi aux alentours de 18 heures à la gare du Nord pour prendre la ligne 5 en direction de la porte de Pantin, venant du RER B. J’aurais dû passer (comme d’habitude) par les bornes de compostage… Mais à la sortie de ces bornes une nuée de policiers faisaient bloc… Je n’étais au courant de rien… Je voulais juste prendre mon métro… Beaucoup de monde s’amassait autour des policiers (jeunes et moins jeunes curieux se mêlaient aux personnes transitant par le couloir pour rallier les métros), pas mal de cris, de bouteilles volantes, les policiers compressant la foule avec leurs boucliers… mais aucune information (…) Merci la RATP et la SNCF pour les infos… »

Kirsten : « Comme David j’étais là et ce qui m’a choquée et même effrayée était la nouvelle tenue hypermilitarisé des CRS (on dirait un film de science-fiction americain) et leur comportement agressif et spectaculaire (avançant en rangs serrés par trentaines, battant en rythme sur leur bouclier). Rien à voir avec les CRS d’il y a dix ans. Dans quel autre pays européen est-ce qu’on pourrait voir une telle mise en scène? »

Lancelot : « J’étais sur place pendant les événements. Ce qui m’a le plus choqué, c’était sans aucun doute le débordement des forces de l’ordre : on ne voyait aucune cohérence dans leurs réactions, rien de réfléchi, parfois l’impression qu’ils se couraient les uns après les autres. On avait presque l’impression qu’ils faisaient exprès de ne pas ou peu réagir, et de laisser enfler les affrontements ! En plus, il était d’une facilité étonnante de circuler partout : des entrées et sorties du RER, aucune force de l’ordre, à un point que cela était ridicule, et pourtant ce n’était pas le nombre de policiers qui l’empêchait ! »

Sandra : « Je suis agent d’accueil en gare du Nord et j’ai tout vu du début à la fin. Je trouve intolérable de dire que les contrôleurs ont été blessés. Ils se sont contentés de partir en courant dans leur local ! Quant aux policiers, je suis outrée par leur comportement. Certes ce jeune homme n’avait pas de ticket, mais était-ce une raison pour le rouer de coups ! Et je peux vous dire que ce n’est pas la première fois ! »

Hardy : « Les gens ne voyaient rien et émettaient des hypothèses sur ce qui s’était passé, en supposant que c’était la police qui avait encore dérapé. La rumeur circulait qu’une personne avait été tabassée parce qu’elle n’avait pas de ticket. Les gens s’interrogeaient les uns les autres et colportaient cette version qui ne faisait qu’attiser l’excitation ambiante. »

 

Le Monde


1.

Vers 18h, mon épouse et moi-même, nous rendions à notre domicile à Saint Denis. C’est à la station de Gare de l’Est que l’annonce d’une émeute à Gare du Nord fut transmise pour justifier l’absence d’arrêt du métro à cette station. Voulant malgré tout essayé de rentrer chez nous, nous décidâmes de rejoindre la gare à pied. Quand nous sommes arrivé au abord de la gare j’ai pu constater le nombre impressionnant de camions de CRS garés en file indienne. Pour autant l’entrée dans la gare se fit sans encombre.
Devant le monde agglutiné tout le long de la balustrade, la curiosité des badauds s’emparât de nous. Aussi pour mieux voir la situation d’un angle de vue suffisamment important on est allé au bout de la gare juste à coté des fameuses plantes qui ont été jetées.Au début, les vidéos le montrent bien, il y avait beaucoup de monde, et de toutes couches sociales, de toutes origines ethniques et surtout de tout âge. Que cela soit devenu à la fin un conflit jeune/police, cela ne fait aucun doute, mais force est de constater qu’au début ce n’était pas du tout le cas. Ensuite on peux se demander si une personne qui aurait frappé un contrôleur puis ensuite été arrêté aurait mobilisé autant de gens, cela me parait bien peu probable. Ce qui peut maintenir des gens sur place aussi longtemps n’a pour moi qu’une réponse, un profond sentiment d’injustice. Samy

2.

Arrivé à 18 h 30 à Gare du Nord par le haut de la gare, j’ai vu des CRS par centaines, sans comprendre ce qui se passait. Je demande à l’un d’eux : il me dit de circuler, qu’il ne sait rien. Je m’approche des escaliers remplis de badauds. J’aperçois en bas, entouré par un groupe, un journaliste avec une grosse caméra et un gros micro en train d’interviewer une personne. Partout, à tous les étages, des CRS. Les gens ne comprennent pas ce qu’ils font là… Et c’est vrai que leur présence massive parait étrange. Je descend pour m’approcher et tenter de comprendre. Des badauds me disent qu’apparemment un jeune s’est fait casser le bras par des policiers lors d’un contrôle et que des voyageurs se sont interposés. Quand j’arrive à l’entre-sol, l’interview se termine en bas et la foule qu’il y’avait autour se disperse. Mais des mouvements de CRS font du bruit. Les gens se tournent dans tous les sens en essayant de comprendre d’où vient le bruit. Grande confusion générale. Des files de CRS casqués descendent l’escalier en courant au milieu de la foule. S’ensuivent des mouvements de CRS incompréhensibles : ils montent les escaliers, les redescendent, s’arrêtent, se positionnent et repartent de plus belles. Il y’en avait vraiment partout. Des cris fusent : « police partout, justice nulle part ». La tension monte. J’aperçois des policiers en civil qui rigolent derrière les lignes de CRS. Ils sont habillés en jeunes et passeraient vraiment inaperçus s’ils n’étaient en train de rigoler dans un coin derriere un groupe de CRS. Pas mal de journalistes aussi avec leurs caméras, qui ont l’air de ne pas trop savoir où filmer… Toujours à l’entresol, je veux descendre en bas, là ou se passait l’interview et d’ou partent les cris « police partout,… ». Les escaliers pour descendre sont bloqués par une ligne de CRS qui me refusent le passage. Je remonte donc pour redescendre par un escalier directe. En haut, beaucoup de CRS aussi. En tout il devait y’avoir plusiurs centaines, peut-etre mille ?Je redescend jusqu’en bas. Là des jeunes, dont pas mal de filles a l’air surexcitées, lancent des slogans contre la police. Des voyageurs cherchent leur chemin ou tout simplement une issue… Les CRS font des débuts de charge, s’arrétent, repartent et recommencent… incompréhensible ! Je ne sais pas quelles étaient leurs consignes, ni leur but, mais l’envie montante d’en découdre était palpable des deux cotés…

la tension montant, les premières vitrines commençant à se briser, je suis remonté et suis parti chez mes amis… à pied! Mon impression générale, c’est que vraiment rien de tout ça n’aurait eu lieu si la police était intervenu pour calmer le jeu avec un ou deux fourgons plutôt qu’avec je ne sais combien de compagnies de CRS agressifs qui ne cherchent que l’action. On voyait bien (et on retrouve cette attitude sur les vidéos) qu’ils ne cherchent qu’à jouer les cowboys ou les GI’s sur un champs de bataille… Nicolas

3.

Je suis arrivé à la gare du Nord vers 19 h 45 depuis le RER B. Dans la galerie marchande, j’ai croisé deux groupes de policiers d’une vingtaine de personnes, avec des chiens et l’équipement complet. En sortant, dans le hall, il y avait encore plus de policiers, un peu partout, en groupes. Quelques personnes s’étaient groupées et criaient des « C’est Sarko ». Bref, l’ambiance était un peu électrique, mais sans plus, la majorité des voyageurs continuait son chemin tranquillement. Il n’y avait pas vraiment grand chose a part l’incroyable déploiement des forces de l’ordre, qui donnait l’impression qu’un coup d’état venait d’éclater. Dehors, d’autres policiers, en grand nombre. En rentrant chez moi, vers 23h45, je suis repassé à la gare du Nord pour tenter de prendre mon RER. Et là, il y avait encore plus de policiers qu’auparavant. Les rues autour de la gare étaient remplies de voitures et de camions de police. Dans la gare, nous avons vite compris qu’il n’était possible de prendre ni le métro, ni le RER, même si nous n’avons pas compris pourquoi. Les policiers, visiblement échaudés, nous criaient de passer notre chemin. Nous sommes donc ressortis par une sortie annexe, près des parkings (remplis de fourgons de police). Des policiers, peut-être une cinquantaine, attendaient en discutant. Puis l’un deux a crié « Ils ont brûlés un bus », et tous se sont précipités dans une rue rejoignant l’entrée de la gare. De notre côté, nous avons également rejoint la gare mais par une autre rue, et nous avons pu voir que des cagettes étaient en train de brûler, mais pas de bus. D’autres policiers formaient une ligne face à ce feu improvisé. Un peu partout, des groupes de policiers essayaient de faire partir la foule. Des jeunes filmaient avec leur téléphone, des passants s’arrêtaient, mais la plupart des gens, pas stressés, ne faisaient que passer et regardaient d’un air désinteressé le spectacle. Quelques jeunes, visiblement venus pour ça, semblaient s’amuser comme des fous. L’un d’eux a lâché « C’est comme ça que j’aime la France », déprimant encore un peu plus une soirée déjà très triste. Gabriel

4.

Je suis un usager très régulier des transports en commun et je connais très bien la gare du nord puisque c’est la première gare parisienne du RER D quand je le prends de Garges-Sarcelles, là où j’habite. J’assiste tous les jours à des scènes de contrôle de billets qui se passent avec plus ou moins de bonheur mais dans tous les cas, les agents RATP sont toujours très nombreux (rarement moins de dix) et très bien protégés par la police (ferroviaire ou renfort pour cause de plan Vigipirate) ainsi que par des caméras. Parfois les contrôles sont humiliants. Tous les « jeunes » ne sont pas anges, loin s’en faut mais ceux qu’ils plaquent au mur, jambes écartées ne me semblent pas être les plus dangereux. Les agents de la RATP remettent souvent leur proie à la police qui transforme le contrôle de billet en contrôle d’identité. Voilà pour le contexte. Je suis donc arrivé du niveau RER vers le niveau métro aux environs de 19 h 20. Un mur de policiers et de CRS parfois casqués bloquait l’accès du métro. Deux petits carrés de CRS évoluaient le long de la gare. Le plus surprenants était que les noirs, les blancs, les arabes, les cadres avec attaché-case ou les moins « jeunes » discutaient ensemble et échangeaient sur ce qui s’était passé. Je prenais pour fiable l’information qui émergeait : un fraudeur avait été lynché par la police. Une alliance objective se formait entre les casseurs nihilistes et des gens plus structurés et au discours politique plus élaboré, plus militant. C’est ce qui explique qu’aux côtés des « Nique Sarko » on entendait les « Police partout, justice nulle part ». Je crois que c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et certains ont jugé qu’il était temps que la police paie, à tort ou à raison, pour toutes les humiliations quotidiennes qu’elle commettait dans cette gare. Dans toute cette foule, moi aussi je perds mon calme quand j’entends un journaliste s’exciter à l’idée que les images du 20h vont provoquer un afflux de « jeunes » vers la gare. Je l’engueule, il se sauve de peur que je le fasse remarquer par un groupe de « jeunes » qui se trouvait près de nous. Un photographe qui a vu la scène tient à me rassurer en me jurant que « la profession » n’est pas comme ça. En rentrant chez moi, j’entend une information que se voudrait factuelle : un fraudeur, des agents, une verbalisation, une altercation, une interpellation. Normal, ces gens là feraient leur job et il est inadmissible que la foule conteste l’ordre. Personne ne devrait défendre un fraudeur, encore moins s’il est noir, encore moins s’il s’oppose aux agents. Je repense à Rodney King, un automobiliste ivre roulant dans la banlieue de Los Angeles à plus 160 km/h et refusant de répondre aux injonctions de la police qui a du intervenir violement. La police doit faire son travail et il ne faut pas la décourager. C’est ce qu’à décider un jury blanc au cours d’un procès qui a eu lieu un an plus tard. Le peuple des ghettos, lui, a vu des images d’une violence inouïe où l’homme ivre mort était battu comme un chien sur la chaussé. Son verdict, en guise d’appel, est connu sous le nom d’émeutes de Los Angeles. Qui a parlé de Sarkozy l’Américain ? Yassine Ayar

5 Angelo


LE MONDE | 30.03.07

Au cours de sa garde à vue dans les locaux du commissariat du 10e arrondissement, Angelo Hoekelet a raconté son contrôle mouvementé à la gare du Nord, le 27 mars, par des agents de la RATP. Un contrôle qui a servi de déclencheur à de violents affrontements, pendant plus de six heures, entre des groupes de jeunes et les policiers. Le Congolais, âgé de 32 ans, affirme qu’il a été victime de violences, selon son procès verbal d’audition, dont Le Monde a eu connaissance.

« Ce jour vers 16h20, je me trouvais dans la gare du Nord. J’avais rendez-vous avec une personne qui m’attendait sur le quai de la ligne 5 », a-t-il expliqué. Il assure avoir composté un ticket en passant le tourniquet, puis l’avoir jeté. « Trente mètres plus loin, j’ai senti qu’une personne me touchait au niveau de l’épaule, je me suis retourné et cet individu s’est présenté comme étant un contrôleur RATP et m’a demandé mon titre de transport. J’ai expliqué à cet individu que je venais de jeter mon ticket au sol et je lui ai proposé de retourner à l’endroit où j’avais jeté mon ticket pour le reprendre. Le contrôleur m’a alors demandé mes papiers. Je lui ai alors répondu que je n’étais pas sûr de les avoir mais que l’on pouvait regarder dans mon sac à dos. Un autre contrôleur est alors arrivé et sans rien me demander il a déclaré à ses collègues : bon voilà, il a rien allez on appelle’’. Je lui ai répondu que je ne bougerai pas tant qu’on irait pas récupérer mon ticket. Ce contrôleur m’a alors fait comprendre que de toute façon il me ramènerait de force, il m’a parlé avec un langage de cité. Je lui ai alors dit d’arrêter. (…) Il s’est alors approché de moi et a commencé à rapprocher son front du mien. Je lui ai alors dit arrête ou je vais te boucher une oreille’’. Nous nous sommes frottés les fronts mais il n’y a pas eu de coups. C’est alors que les autres contrôleurs RATP m’ont saisi au niveau des chevilles puis m’ont fait chuter au sol. Ils m’ont ensuite maintenu au sol jusqu’à l’arrivée des gendarmes. Je vous précise que jusqu’à l’arrivée des gendarmes, les agents RATP, surtout celui qui a collé son front au mien, m’ont donné des coups de pieds entre les jambes ou ont essayé de me tordre les poignets. Moi, je leur disais que ce qu’ils faisaient c’était vraiment n’importe quoi. Autour de nous une foule s’est formée qui se demandait ce que ces contrôleurs étaient en train de faire. Je vous précise que parmi cette foule il y avait de nombreuses personnes qui me connaissent car j’ai vécu dans le dixième arrondissement et que je connais très bien la gare du Nord. Ensuite les gendarmes sont arrivés. (…) Ils ont essayé de me faire comprendre qu’il fallait que je me calme pour qu’ils me menottent. Je leur ai demandé de me lever puis ensuite de me menotter. Comme je me débattais car je pensais que ce n’était pas humain de mettre quelqu’un au sol comme ça, ils ont tout de même été obligés de me relever pour me menotter en faisant usage de la force. » A cet instant, Angelo Hoekelet s’accrochait fermement à son pantalon, pour éviter de se faire passer les menottes.

« Une fois debout et menotté le contrôleur RATP qui m’avait touché le front a cherché à m’attraper par les jambes. Il devait me connaître, je pense que c’est pour cela qu’il en avait après moi. Les gendarmes et ses collègues lui ont dit que cela ne servait à rien et que je devais être conduit debout. C’est là que je me suis rendu compte qu’une foule importante s’était ameutée autour de nous. Dans le local RATP, le contrôleur a dit à ses collègues oui vous avez vu il m’a bien mis un coup de tête. C’est là que j’ai compris que c’était une affaire personnelle, je vous précise que parmi ces agents RATP il y en avait trois d’origine maghrébine. Peut-être qu’il en avait après moi parce que je suis noir. Ensuite, j’étais dépassé par les événements et je les ai bombardé d’insultes. »

La veille de cette interpellation à la gare du Nord, Angelo Hoekelet était censé prendre le train pour se rendre à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Il devait comparaître devant la cour d’appel pour une affaire d’outrage à magistrat, qui lui a valu une condamnation à six mois de prison en première instance. Hélas, il n’a pas pu s’y rendre, explique-t-il, « car les contrôleurs n’ont pas voulu [le] laisser prendre le train sans billet. » Piot Smolar

Références

Sur Indymedia-Paris :
– 8 heures d’émeutes et affontements à la gare du Nord
– Gare du Nord, 23 h 15 – 00 h 45
– Gare du Nord, temoignage
– Emeute à Gare du Nord
– Gare du Nord… la police veille au grain

Dans la presse mainstream:
– Emeutes à la gare du Nord à Paris (Reuters)
– Des émeutes et des candidats (RFI)

Photos :
– Photos des émeutes dans la gare du Nord
– Photos des émeutes, sur le site du journal “20 minutes”
– Photos de dehors, autour de la gare du Nord, vers 23h30

Vidéos :
– Vidéo indépendante (portable): Face aux flics
– Vidéo indépendante (portable): “Sarko, fils de pute”
– Vidéo indépendante (portable): Après les lacrymos des flics…
– JT de BFMTV, 22h le 27 mars
– JT de I-Télé, 22h30 le 27 mars
– JT de BFMTV, 23h le 27 mars
– JT de LCI, 1h30 le 28 mars

~ par Alain Bertho sur 30 avril 2007.